Bibliothèque de droit social - Tome 77 - Droit du travail et prévention - 231

LA RESPONSABILITÉ DE L'EMPLOYEUR EN MATIÈRE DE PRÉVENTION AU TRAVAIL

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devoir général de prudence exposant autrui à un risque d'une particulière gravité que son auteur ne pouvait ignorer114.
De prime abord, les conditions d'engagement de la responsabilité peuvent sembler très rigoureuses. Cependant, il est admis qu'une faute délibérée puisse être requalifiée en faute caractérisée115, la complémentarité de ces deux fautes favorisant la mise
en cause de l'auteur de l'infraction116. L'engagement de la responsabilité pénale se
trouve encore favorisé par l'appréciation de ces fautes qualifiées, en particulier la faute
caractérisée, par le juge qui tend à les assimiler à des fautes d'imprudence simples117.
114. V. par ex. Cass. crim., 6 décembre 2005, n° 04-87.661, Bull. crim., n° 314. La Cour de cassation
approuve les juges du fond d'avoir relevé une faute caractérisée à l'encontre du gérant, au motif que la
victime, ayant eu les jambes écrasées, ne bénéficiait d'aucune protection alors qu'elle assurait la réception
d'un cordage imposant et lourd, et que le prévenu ne pouvait nier avoir connu le caractère dangereux de
la manœuvre puisqu'un autre accident s'était produit dans des circonstances similaires. Pour une
illustration récente v. Cass. crim., 12 mai 2015, n° 13-80.345, Bull. crim., n° 104, RJS 8-9/15, n° 573 (faute
caractérisée du responsable des postes de secours en mer d'une commune, en raison du décès accidentel
d'un secouriste au volant d'un quad utilisé pour le service, les juges du fond ayant constaté qu'aucun
casque ni aucune formation à la conduite de l'engin n'avaient été fournis à ce dernier).
115. Cass. crim., 23 janvier 2007, n° 06-80.937, Inédit « si le chantier était implanté à une distance
réglementaire par rapport à la ligne haute tension, aucune protection collective, telle que des filets, n'avait
été mise en œuvre pour éviter l'intrusion d'un objet ou d'une personne dans la zone dangereuse de trois
mètres au voisinage des conducteurs électriques ; qu'ils ajoutent que Maurice X.., informé de l'existence de
la ligne et des solutions d'abord envisagées pour sa neutralisation temporaire, mais ensuite abandonnées
pour des raisons de coût et de temps, a commis une faute caractérisée en ne prenant pas les mesures
adéquates pour assurer la protection des ouvriers alors qu'il devait appréhender l'intégralité des risques
existants » ; Cass. Crim., 26 mars 2008, n° 07-86.507, Inédit, « en s'abstenant de rappeler les consignes
élémentaires de sécurité qui auraient permis d'éviter l'accident, n'a pas accompli les diligences normales lui
incombant compte tenu des fonctions et des pouvoirs dont il disposait ; qu'il a ainsi contribué à créer la
situation ayant permis la réalisation du dommage et commis non une violation manifestement délibérée
d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, mais une faute caractérisée
qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ».
116. En ce sens v. PONSEILLE (A.), La faute caractérisée en droit pénal, RSC, 2003, p. 79.
117. En ce sens v. SALOMON (R.) Chronique de droit pénal social, Dr. soc., 2014, p. 137. V. égal.
SALOMON (B.), Chronique de droit pénal social, Dr. soc., 2014, p. 827. L'auteur évoque une systématisation
de la faute caractérisée. V. not. Cass. crim., 16 janvier 2001, n° 00-82.274, Bull. crim., n° 14 (responsabilité
de l'employeur dans un accident mortel dû à l'absence de dispositif de fermeture interdisant l'accès à une
cuve de récupération contenant des vapeurs toxiques, à l'omission d'indications affichées sur les conditions
d'intervention dans cette cuve, à l'absence de mesures de sécurité en méconnaissance des dispositions du
Code du travail, ainsi qu'à celle de formation de la victime, compte tenu du poste qu'elle occupait. Dans cet
arrêt, pour retenir la faute caractérisée, les juges ne tiennent pas compte de la conscience de la gravité du
danger que devait avoir l'auteur de l'infraction, ils s'appuient seulement sur les différents manquements à
la prévention). Récemment, la Cour de cassation a refusé de transmettre une question prioritaire de
constitutionnalité portant sur la légalité des dispositions de l'article 121-3 al. 4 du Code pénal, c'est-à-dire
sur la faute caractérisée qui, selon les requérants présente des risques d'arbitraire. Selon la Cour de
cassation, la question ne présentait pas de caractère sérieux : « en subordonnant la responsabilité pénale de
la personne physique qui n'a pas directement causé le dommage à la commission d'une faute caractérisée
et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité que celle-ci ne pouvait ignorer, le législateur, se
fondant sur des critères qui ne sont pas, de manière manifeste, inappropriés à l'objet poursuivi, a entendu
placer cette personne dans une situation plus favorable que l'auteur direct du dommage dont la
responsabilité pénale peut être engagée pour une simple maladresse, imprudence, inattention ou négligence ;
que la disposition critiquée, qui laisse au juge le soin de qualifier des comportements que le législateur ne
peut énumérer a priori de façon exhaustive, est rédigée en des termes suffisamment clairs et précis pour
permettre que son interprétation se fasse sans risque d'arbitraire et dans des conditions garantissant tant le
respect de la présomption d'innocence que l'intégralité des droits de la défense » (Cass. crim., 24 septembre
2013, n° 12-87.059, Bull. crim., n° 180, HENNION-JACQUET (P.), Le refus de renvoi d'une QPC relative
à la faute caractérisée : l'article 121-4, alinéa 4, du code pénal est clair, précis et favorable à l'auteur indirect,
D., 2013, n° 2443. Pour une application récente v. Cass. crim. 19 avril 2017, n° 16-80.685, publié au Bulletin,
SALOMON (R.) Chronique de droit pénal social, Droit social, 2017, p. 774.
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