Bibliothèque de droit social - Tome 77 - Droit du travail et prévention - 237

LA RESPONSABILITÉ DE L'EMPLOYEUR EN MATIÈRE DE PRÉVENTION AU TRAVAIL

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d'une infraction formelle, car elle se réalise en l'absence de préjudice152. Plusieurs
conditions, strictement contrôlées par les juges, doivent alors être réunies pour que
la responsabilité de l'auteur soit engagée. L'incrimination est constituée par le fait
d'exposer directement153 autrui154 à un risque immédiat de mort ou de blessures de
nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente155. En outre, l'exposition au risque doit trouver sa source dans la violation manifestement délibérée
d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le
règlement. Cette dernière condition impose tout d'abord d'identifier une obligation
particulière de sécurité ce qui se révèle être une condition très restrictive156, excluant,
en tant que telle, l'obligation générale de prévention de l'employeur157. Cela suppose
également d'établir qu'il s'agit d'un manquement délibéré.
152. PUECH (M.), De la mise en danger d'autrui, D., 1994, p. 153.
153. Cass. crim., 16 février 1999, n° 97-86.290, Bull. crim., n° 24, v. MAYAUD (Y.), Du lien de
causalité dans le délit de risques causés à autrui, RSC, 1999, p. 581.
154. CA Douai, 26  octobre 1994, BICC  1994, n°  1207, MAYAUD (Y.), Des risques causés à
autrui. Applications et implications, ou la naissance d'une jurisprudence, RSC, 1995, p. 575.
155. « C'est donc un risque déterminé par ce qu'il a de plus redoutable, seules la mort et des
atteintes physiques très marquées étant prises en compte. Le résultat ne renvoie pas à une incapacité
de travail, voire à de simples émotions. Il relève de qualifications extrêmes, en se plaçant au sommet
des agressions que peuvent subir les personnes dans leur intégrité, sur le modèle des violences
volontaires ». MAYAUD (Y.), Risques causés à autrui, Dalloz, Répertoire de droit pénal et de
procédure pénale, cit. n° 85.
156. Les juridictions pénales retiennent une acceptation stricte de la notion d'obligation particulière
de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. Ainsi, en matière d'homicide involontaire, la
cour d'appel de Toulouse a considéré que n'est pas un manquement à une obligation particulière de
prudence ou de sécurité, le fait, pour un employeur, d'avoir mis en place des horaires en infraction avec les
durées quotidiennes et hebdomadaires de travail sans autorisation. Le fait même que des dérogations
soient prévues et organisées par les textes suffit à ôter à la réglementation en matière de durée maximale
quotidienne et hebdomadaire du travail le caractère d'obligation de prudence ou de sécurité, dès lors que la
loi ne saurait organiser des situations qu'elle considérerait par ailleurs systématiquement comme
pénalement répréhensibles (CA Toulouse, 1er février 2001, n° 00/00644, v. MAYAUD (Y.), L'identification
de l'obligation de sécurité, RSC, 2002, p.  104). Cette jurisprudence atteste d'une rigueur certaine dans
l'acceptation de la notion même d'obligation de sécurité. Encore faut-il qu'il s'agisse d'une obligation
particulière. Deux décisions rendues en matière médicale sur le fondement de l'article 223-1 du Code pénal
permettent de nous éclairer sur ce point. N'entre pas dans les prévisions de l'article 223-1 du Code pénal la
méconnaissance par un médecin des obligations déontologiques définies par les articles R.  4127-32 et
R. 4127-33 du Code de la santé publique, qui édictent des règles générales de conduite (Cass. crim., 18 mars
2008, n° 07-83.067, Bull. crim., n° 67). En revanche, entrent dans les prévisions de l'article 223-1 du Code
pénal les dispositions de l'article L. 2141-1 du code de la santé publique et de l'arrêté du 12 janvier 1999
relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques en assistance médicale à la procréation
(Cass. crim., 29 juin 2010, n° 09-81-661, Bull. crim., n° 120). Ici encore, les juridictions pénales retiennent
une acceptation stricte. Cette rigueur n'a que peu d'importance en matière d'homicide ou de blessures
involontaires puisque outre le manquement à une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue
par la loi ou le règlement, la responsabilité pénale de l'auteur pourra être engagée en dehors de tout texte,
lorsque l'infraction aura été causée par maladresse, prudence, inattention, ou négligence. En revanche,
l'existence d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement est
l'élément constitutif de l'infraction de mise en danger. L'acceptation stricte de la notion d'obligation
particulière de sécurité par les juridictions pénales sera, dans ce second cas, lourde de conséquences.
157. Cass.  crim., 17  septembre 2002, n°  01-84.381, Inédit.  v.  VERON (M.), L'incontournable
obligation « particulière », Droit pénal, 2003, 19. La Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel
ayant retenu, pour caractériser le délit de mise en danger d'autrui, la violation manifestement délibérée
d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par les articles L.230-1 à L.230-3 et L.230-6
(anciens) du Code du travail applicable à Mayotte, alors qu'aucun règlement applicable dans la
collectivité territoriale n'avait été pris en application des ces dispositions générales pour préciser les
obligations particulières de protection de la sécurité des travailleurs dans les établissements qui
mettent en œuvre des courants électriques. Pour une application récente v. Cass. crim., 25 juin 2013,
n° 12-81.820, Bull. crim., n° 159.
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