Bibliothèque de droit social - Tome 77 - Droit du travail et prévention - 238

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DROIT DU TRAVAIL ET PRÉVENTION

En définitive, la responsabilité pénale du chef de mise en danger d'autrui
apparaît difficile à mettre en œuvre158, mais ne doit pas être écartée159. Sa finalité
est d'appréhender des comportements délictueux avant qu'un dommage ne se
produise, ce qui contribue incontestablement à faire de la répression un moyen à
part entière de prévention160. C'est également le cas de la responsabilité civile de
l'employeur, qui est mise en œuvre aux fins de prévention.
II. LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE
DE L'EMPLOYEUR
259. À l'instar de sa responsabilité pénale, la responsabilité civile de l'employeur est également mobilisée aux fins de prévention. En effet, ce n'est pas tant
la réparation qui importe, mais la mise en œuvre, effective, de mesures de
prévention.
Pour cette raison, nous avons vu161 que les juridictions font prévaloir la santé
des travailleurs sur le pouvoir de direction de l'employeur, en admettant qu'une
mesure de réorganisation puisse être suspendue ou annulée, dès lors qu'elle pourrait avoir pour effet de compromettre la santé et la sécurité des travailleurs162.
158. En pratique, selon Yves Mayaud, le champ des relations de travail serait sous-représenté du
point de vue de l'application du délit de mise en danger, comparativement à d'autres domaines tels que
la circulation routière. Selon cet auteur, plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène. Les
situations à risques dans l'entreprise se solderaient le plus souvent par des atteintes à la vie ou à
l'intégrité de la personne, excluant ainsi par définition l'infraction de mise en danger, le risque s'étant
d'ores et déjà réalisé. Surtout, les infractions formelles spécifiques à la santé et à la sécurité au travail
prévues par le Code du travail seraient privilégiées dans les poursuites au détriment de l'infraction
formelle de droit commun prévue à l'article L.223-1 du Code pénal. MAYAUD (Y.), Risques causés à
autrui, répertoire précité, n° 199 et s.
159. Pour une application récente v. Cass. crim., 7 janvier 2015, n° 12-86.653, Bull. crim. n° 13.,
v. SALOMON (R.), Chronique de droit pénal social, Dr. soc., 2015, p. 629 ; MAYAUD (Y.), Mise en
danger par défaillance d'un dispositif d'aération, RSC, 2015, p. 89. Se rend coupable du délit de mise en
danger d'autrui l'employeur d'un salarié, victime d'un malaise, causé par l'inhalation d'hydrogène
sulfuré et ayant entraîné une incapacité totale de travail, alors qu'il travaillait dans un local équipé d'une
ventilation de débit insuffisant, dès lors qu'il est établi que ce salarié avait ainsi été exposé à un risque de
mort, de mutilation ou d'infirmité permanente en, en relation directe et immédiate avec la violation
manifestement délibérée et non contestée des dispositions du Code du travail. Nous remarquerons
cependant que dans cet arrêt l'incident s'est soldé par une incapacité temporaire de travail ce qui est
normalement incompatible avec le délit de mise en danger d'autrui qui est une infraction formelle. Les
poursuites auraient sans doute dues être dirigées sur le fondement du délit de blessures involontaires
mais ce moyen n'a semble-t-il pas été soulevé. V. égal. Cass. crim. 19 avril 2017, n° 16-80.695, publié au
Bulletin. Le délit de mise en danger délibéré de la personne d'autrui constitué dès lors qu'une société a
exposé un salarié au risque de développer un cancer lié à l'amiante en ne prenant pas les mesures de
prévention prescrites. V. SALOMON (R.), Chronique de droit pénal social, Droit social, 2017, p. 774.
160. En ce sens v. VERKINDT (P.-Y.), La santé au travail. Quelques repères pour un droit en
mouvement, Dr. ouvrier, mars 2003, p. 82
161. Sur l'obligation de sécurité de l'employeur dans le contentieux du Tribunal de grande
instance v. développements supra n° 54.
162. Cass. soc. 5 mars 2008, n° 06-45.88, Bull. civ. V n° 46 : « L'employeur est tenu, à l'égard de
son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires
pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs ; qu'il lui est interdit, dans l'exercice de son
pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre
la santé et la sécurité des salariés ». CHAUMETTE (P.), Dr. soc., 2008, p. 605 ; LEROUGE (L.), La
suspension judiciaire d'une réorganisation au nom de la protection de la santé, RDT, 2008, p. 316 ;
VERKINDT (P.-Y.), L'acmé de l'obligation de sécurité du chef d'entreprise, SSL, 25  mars 2008,
n° 1346, p. 10 ; VERKINDT (P.-Y.), Santé au travail vs pouvoir de direction, Dr. soc., 2008, p. 519 ;
BABIN (M.), Suspension d'une décision prise par l'employeur susceptible de compromettre la santé
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