Bibliothèque de droit social - Tome 77 - Droit du travail et prévention - 25

INTRODUCTION GÉNÉRALE

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Enfin, ils engendrent parfois des dommages irréversibles, voire des dommages
compromettant l'avenir des générations futures.
De telles catastrophes, fortement médiatisées pour les plus récentes, interpellent l'opinion publique, non seulement parce qu'une partie de la population en
est directement victime, mais aussi indirectement, parce qu'elles amènent à s'interroger sur la gestion des risques, sur la responsabilité des décideurs publics et
privés, et plus largement sur l'acceptabilité sociale des risques. C'est bien la perception des risques qui s'en trouve modifiée49.
D'ailleurs, au-delà de ces risques prenant des allures de catastrophes, nous
assistons à une véritable « mise en risque du monde »50 : conduites à risque,
métiers à risque, etc. Tout devient risque et le terme est parfois galvaudé. Ainsi, la
transformation des risques ne tient pas qu'à la multiplication des catastrophes,
mais également à un phénomène d'agrégation des risques, qui conduit à les voir
partout et qui pousse à un sentiment extrême d'aversion au risque, même minime.
7. En conséquence, le risque est devenu la « matrice fondamentale d'explication du fonctionnement des sociétés »51, il est au « centre du questionnement
social »52 et provoque inévitablement une évolution du besoin de sécurité.
Ainsi, être protégé aujourd'hui, ce n'est plus exclusivement avoir la certitude
d'obtenir une réparation. Dans le cadre de la société du risque, c'est savoir que des
mesures sont prises à l'encontre d'évènements pouvant générer un dommage. En
effet, d'une part, la certitude de la réparation n'est plus suffisante en elle-même.
D'autre part, cette perspective est parfaitement inutile dans le cadre des risques irréversibles. Parfois même, elle est impossible, car la question de l'assurabilité de certains
risques est aujourd'hui posée, tant dans sa possibilité même que dans son étendue53.
En définitive, le besoin de sécurité est désormais un besoin autre qu'uniquement indemnitaire54. C'est un besoin sécuritaire qui passe par la mise en place de
mesures préventives, voire précautionneuses. Ce souci de sécurité croissant à l'infini, souffre néanmoins de quelques limites : « il faudrait s'interroger plus avant sur
l'inflation actuelle du souci de prévention, qui est strictement corrélé à l'inflation du
souci de sécurité. Sans doute vaut-il mieux prévenir que guérir, mais les technologies efficaces de prévention sont en nombre limité, et rarement infaillibles. Dès lors,
l'idéologie de la prévention généralisée est condamnée à la faillite »55.
Une demande de sécurité d'autant plus exacerbée que le contenu même de la
sécurité évolue, en corrélation avec l'évolution des risques qui prennent de l'ampleur tant sur un plan quantitatif que sur un plan qualitatif. Ainsi, aux XVIIe et
49. NOIVILLE (C.), Du bon gouvernement des risques, Paris, Presses Universitaires de France
(PUF), collection Les voies du Droit, 2003, 235 p.
50. PERETTI-WATEL (P.), La société du risque, ouvrage précité, cit. p. 3.
51. KESSLER (D.), L'ère de la vulnérabilité, article précité.
52. BARBIER (H.), La liberté de prendre des risques, Aix-en-Provence, Presses Universitaires
d'Aix-Marseille (PUAM), 2010, 618 p., cit. p. 10.
53. TAPINOS (D.), Prévention, précaution et responsabilité civile, Paris, L'Harmattan, collection
Logiques juridiques, 2008, 742 p., spéc. p. 483 et s.
54. Sur ce changement de paradigme en termes de sécurité, v. égal. EWALD (F.), Le retour du
malin génie. Esquisse d'une philosophie de la précaution, in GODARD  (O.) (dir.), Le principe de
précaution dans la conduite des affaires humaines, INRA éditions, 1997, 352 p., p. 99.
55. CASTEL  (R.), L'insécurité sociale. Qu'est-ce qu'être protégé ?, Seuil - La République des
Idées, 2003, 95 p., cit. p. 88.
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