Bibliothèque de droit social - Tome 77 - Droit du travail et prévention - 51

LA PRÉVENTION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ DES CORPS AU TRAVAIL

conscience des ravages du machinisme, né du développement de la grande industrie.
Ils se constituent en associations afin d'organiser la prévention des accidents6. Progressivement, il apparaît que « le fabricant doit autre chose à ses ouvriers que le
salaire, il est de son devoir de s'occuper de leur condition morale et physique et cette
obligation toute morale et qu'aucune espèce de salaire ne saurait remplacer, doit
primer sur les considérations d'intérêt particulier »7.
Ainsi, l'intervention du législateur à travers les premières lois sociales n'est
pas laissée au hasard. La loi du 22 mars 18418 entend réglementer le travail des
enfants car ils constituent une population de travailleurs extrêmement fragile.
Adoptée non sans résistance, mais dans un souci de protection de cette maind'œuvre si particulière, cette loi se borne essentiellement à fixer l'âge d'admission
au travail à huit ans et à limiter la durée journalière de travail, qui peut toutefois
aller jusqu'à douze heures. Le travail de nuit leur est interdit, mais sous réserve de
nombreuses dérogations. Des règlements d'administration publique doivent fixer
des interdictions d'emploi des enfants dans les fabriques pour cause de danger,
d'insalubrité et pour certains travaux dangereux ou nuisibles. Les lois du 19 mai
18749 et du 2 novembre 189210, qui suivirent, ne comportent pas plus de dispositions et se contentent d'élargir leur application aux filles mineures et aux femmes.
Ce n'est qu'à compter de la loi du 12 juin 189311 que naît véritablement le droit
de l'hygiène et de la sécurité au travail. Elle innove en ce qu'elle est la première réglementation d'ensemble du point de vue de l'hygiène et de la sécurité dans les établispresque changer de place ni d'attitude. Ce n'est plus là un travail, une tâche, c'est une torture ; et l'on
inflige à des enfants de six à huit ans, mal nourris, mal vêtus, obligés de parcourir, dès cinq heures du
matin, la longue distance qui les sépare de leurs ateliers, et qu'achève d'épuiser, le soir, leur retour de ces
mêmes ateliers. Comment ces infortunés, qui peuvent à peine goûter à quelques instants de sommeil,
résisteraient-ils à tant de misère et de fatigue ? », VILLERME (L.-R.), Tableau de l'état physique et moral
des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie. Textes choisis et présentés par
Yves Tyl, Paris, Union générale d'Éditions, collection 10-18, n° 582, 1971, 316 p.
6. En 1850, la Société Industrielle de Mulhouse, regroupant des industriels de Haute-Alsace, fût
pionnière en chargeant une commission de rechercher des appareils destinés à protéger les machines
dangereuses et des moyens d'encourager les industriels, les ingénieurs et les ouvriers à les utiliser. Dans
son sillage d'autres associations d'industriels dédiées à la prévention furent créées : l'Association pour
prévenir les accidents de fabrique (1867), l'Association Normande pour prévenir les accidents du
travail (1879), l'Association des Industriels de France contre les accidents du travail (1887) ou encore
l'Association des Industriels de Nord de la France (1894). Sur ces initiatives privées d'industriels
v. BILLY (M.), L'initiative privée dans la prévention et l'atténuation des accidents du travail, Paris,
LGDJ, Arthur Rousseau Éditeur, 1902, 243 p.
7. Citation d'Engel Dolfus, industriel alsacien, rapportée dans CALONI (P.), Échec au risque.
Pour la sauvegarde des hommes au travail, ouvrage précité, cit. p. 11.
8. Loi du 22 mars 1841 relative au travail des enfants employés dans les manufactures, usines ou
ateliers. V. GUIN (Y.), Au cœur du libéralisme : la loi du 22 mars 1841 relative au travail des enfants
employés dans les manufactures, usines ou ateliers, in LE CROM (J.-P.) (dir.), Deux siècles de droit du
travail. L'histoire par les lois, Paris, Les Éditions de l'Atelier, 1998, 287 p., p. 29 et s.
9. Loi du 19 mai 1874 relative au travail des enfants et des filles mineures dans l'industrie, parue
au JORF du 10 juin 1873. V. BORDEAUX (M.), Nouvelle et périmée : la loi du 19 mai 1874 sur le
travail des enfants et des filles mineures employés dans l'industrie, in LE CROM (J.-P.) (dir.), Deux
siècles de droit du travail. L'histoire par les lois, ouvrage précité p. 45 et s.
10. Loi du 2 novembre 1892 sur le travail des enfants, des filles et des femmes dans les
établissements industriels. V. VIET (V.), Entre protection légale et droit collectif : la loi du 2 novembre
1892 sur le travail des enfants, des filles mineures et des femmes dans les établissements industriels, in
LE CROM (J.-P.) (dir.), Deux siècles de droit du travail. L'histoire par les lois, ouvrage précité, p. 73 et s.
11. Loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements
industriels, parue au JORF du 13 juin 1893.

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