Bibliothèque de droit de l'urbanisme et de l'environnement - Tome 17 - Le maire et la protection de l'environnement - 146

130

LE MAIRE ET LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

étendue58. Celle-ci ne pourra être amoindrie que si les nuisances ou pollutions
affectent le sort d'une seule personne59, ce qui, en raison du caractère souvent
diffus de ces dégradations, semble relever de l'exception. Concernant le degré de
complexité des questions environnementales et d'aménagement du territoire, la
Cour pourrait effectuer une évaluation casuistique permettant de faire osciller la
marge nationale d'appréciation. Rappelons que la Cour est à même de jauger la
difficulté des questions juridiques soumises à son contrôle. Elle s'autorise en effet
à le faire, dans un tout autre contexte, lorsqu'elle contrôle le respect de l'article 6§1.
L'exigence d'un délai raisonnable, dans lequel doivent s'inscrire les procédures
juridictionnelles de l'État, la conduit souvent à s'attarder sur la complexité des
questions objets du contrôle dont elle évalue le degré pour connaître la durée
acceptable des procédures60.
295. La Cour dispose incontestablement des armes nécessaires pour effectuer
un contrôle évolutif, moins abstrait sur les décisions des États en matière environnementale et urbanistique. Cependant, elle a fait le choix de cristalliser son contrôle
qui est ici minimal. Dans un premier temps, elle semblait disposée à procéder à un
contrôle sur le fond des actes de l'État au regard de l'article 8. Dans l'arrêt Hatton,
la Cour va en effet réaliser sur la mesure étatique un contrôle du respect de l'article 8
tant dans son aspect procédural que matériel61. Dans sa jurisprudence ultérieure,
elle va en revanche renoncer à exécuter les deux types de contrôle pour n'en privilégier qu'un seul. Elle retient ainsi que « compte tenu de la complexité des questions
liées à la protection de l'environnement, son rôle en la matière est subsidiaire. Elle doit
d'abord rechercher si le processus décisionnel ayant débouché sur des mesures d'ingérence a été équitable et a dûment respecté les intérêts de l'individu protégés par l'article 8 (Buckley c. Royaume-Uni, arrêt du 25 septembre 1996, Recueil 1996-IV,
pp.1292-1293, §§ 76-77). Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles qu'elle
sort de ce cadre et contrôle le contenu des décisions prises par les autorités nationales
(Taşkın et autres c. Turquie, n° 46117/99, § 117, CEDH 2004-X) »62.
58. Cour EDH, Grande Chambre, 8 juillet 2003, Hatton et autres c/ Royaume-Uni, loc. cit., § 123,
note Nathalie Deffains, loc. cit. Frédéric Sudre souligne ainsi que « la Cour envisage la question de la
réglementation du bruit généré par le trafic aérien comme une question de politique générale et, se
retranchant derrière « le rôle fondamentalement subsidiaire du mécanisme de la Convention « (§ 97),
estime, au contraire de la Chambre qui avait entendu cantonner strictement la marge d'appréciation des
États en matière de protection de l'environnement, qu'il y a lieu de reconnaître à l'État une grande latitude
en la matière. Eu égard, notamment, aux mesures d'atténuation et de réduction du bruit mises en oeuvre
et à la possibilité pour les intéressés de déménager sans subir de perte financière, la Cour considère que la
réglementation en cause était « globalement raisonnable « (§ 127) et que les autorités nationales n'ont
pas outrepassé leur marge d'appréciation » (Frédéric Sudre, « Droit de la Convention européenne des
droits de l'homme », JCP G, 28 janvier 2004, n° 5, p. 184).
59. Voir notamment les propos de Jean-François Flauss : « les questions d'environnement
constituent des questions de politique générale dès lors que les pollutions et nuisances ne sont pas
circonscrites à un cas individuel » (Jean-François Flauss, « La procéduralisation des droits substantiels
de la Convention européenne des droits de l'homme au service de la lutte contre les pollutions et
nuisances », loc. cit., p. 1266).
60. Cour EDH, 6 avril 2000, Comingersoll S.A. c/ Portugal, requête n° 35382/97, § 19 : « Pour
rechercher s'il y a eu dépassement du délai raisonnable, il faut avoir égard aux circonstances de la cause et aux
critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du
requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour l'intéressé (voir, parmi beaucoup
d'autres, l'arrêt Silva Pontes c. Portugal du 23 mars 1994, série A n° 286-A, p. 15, § 39) ».
61. Cour EDH, Grande Chambre, 8 juillet 2003, Hatton et autres c/ Royaume-Uni, loc. cit., § 116127, note Nathalie Deffains, loc. cit.
62. Cour EDH, 9 juin 2005, Fadeïeva c/ Turquie, loc. cit., § 105. Voir également Cour EDH,
13 décembre 2012, Flamenbaum et a. c/ France, loc. cit., §§ 135-136 dans lequel la Cour procède certes

Bibliothèque de droit de l'urbanisme et de l'environnement - Tome 17 - Le maire et la protection de l'environnement

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit de l'urbanisme et de l'environnement - Tome 17 - Le maire et la protection de l'environnement