Cours - Droit pénal des affaires - 3e - 113

Les infractions contre l'État, la Nation et la paix publique
§ 1. Les éléments constitutifs du faux
201 Plan. En vertu de l'article 441-1 du Code pénal, « constitue un faux toute altération frauduleuse
de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans
un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée, qui a pour objet ou qui peut avoir pour
effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquencesjuridiques ». Cette définition
générique du faux comprend ainsi deux éléments : un élément matériel et un élément moral. On verra
également que l'usage de faux est incriminé de façon autonome.
I. L'élément matériel du faux
202 Généralités. La matérialité du faux suppose l'existence d'un faux, c'est-à-dire d'une altération de la
vérité correspondante aux prescriptions de l'article 441-1 du Code pénal. Ainsi, la matérialité du faux est
caractérisée par plusieurs éléments : une altération de la vérité, causant un préjudice, indépendamment
de son support, qui a pour objet ou pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait.
203 Altération de la vérité. Le faux doit nécessairement consister en une altération de la vérité. Mais
derrière cette expression utilisée par l'article 441-1 du Code pénal se trouvent deux réalités différentes,
et donc deux formes distinctes du faux : le faux matériel et le faux intellectuel.
Le faux matériel correspond à un défaut d'authenticité ; il s'agit donc,ici,d'un problème affectant la
matière même du document, ou sa physionomie. Ce sera le cas, par exemple, d'unefaussesignature
ou d'une signature imitée1
transport, permettant sa réutilisation3
,d'un abus de blanc-seing2
.
,ou encore d'une plastification d'un titre de
Le faux peut aussi prendre une autre forme, moins grossière, qui affecte alors non pas l'authenticité
du document (le document n'est pas altéré), mais sa véracité. On parle alors de faux intellectuel. Dans
ce cas, le faux porte davantage sur le contenu même du document, c'est-à-dire sur les faits qu'il
constate. Ce sera le cas par exemple de l'inscription inexacte de comptes dans une comptabilité4
.C'est également le cas de la reproduction et de la diffusion d'un
dans des écritures de commerce5
curriculum vitae d'un tiers en usurpant son identité, afin de lui nuire6
.
204 Préjudice. Selon l'article 441-1 du Code pénal, le faux constitue toute altération frauduleuse de la
vérité, « de nature à causer un préjudice ». Cette précision est, on le constate aisément, relativement
floue, ce qui explique sans doute l'importante hésitation jurisprudentielle dont elle a fait l'objet. Le préjudice
est-il un élément constitutif du faux, de sorte qu'en son absence, l'infraction ne serait pas
réalisée ? Certaines décisions (souvent anciennes) pourraient le laisser penser7
,mais en réalité,la
1. Cass. crim., 21 nov. 1997, Dr. pén. 1998, comm., nº 79, obs. M. VÉRON ; Cass. crim., 5janv. 1971, Bull. crim.,nº 2 ;Cass. crim., 2 oct.2001, Bull. crim.,
nº 197.
2. Cass. crim., 20juin 1996, Bull. crim., nº 269 (pétition adressée au procureur de la République, dénonçant des infractions reprochées à des élus
locaux, et écrite sur un document après que les signataires ont signé ce document en blanc, à des fins totalement différentes).
3. À propos de tickets de métro : Cass. crim., 19 déc. 1974, Bull. crim.,nº 378, RSC 1975, p. 690,obs.A. VITU.
4. Cass. crim., 25janv. 1982, Bull. crim.,nº 29.
5. Cass. crim., 29 avr. 1971, Bull. crim., nº 129.
6. Cass. crim., 5 déc. 2012 : JCP G 2013, nº 206, p. 367, note DÉCIMA et DETRAZ.
7. Cass. crim., 15juin 1962, Bull. crim., nº 222 ; Cass. crim., 2juill. 1980, Bull. crim., nº 210. Ces décisions affirment ainsi que « il n'y a faux punissable
qu'autant que la pièce contrefaite ou altérée est susceptible d'occasionner à autrui un préjudice actuel ou éventuel ».
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