Cours - Droit pénal des affaires - 3e - 123

Les infractions contre l'État, la Nation et la paix publique
les formes, d'un dévoiement de cette autorité. À cet égard, la corruption se distingue donc de la prise
illégale d'intérêt, appelée aussi ingérence (C. pén., art. 432-12 et 432-13). En effet, la prise illégale d'intérêt
est le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service
public ou par une personne investie d'un mandat électif, de prendre ou recevoir un intérêt quelconque
dans une entreprise dont elle a, au moment de l'acte (et même, selon le texte suivant, dans les cinq
ans) la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ; ici, il ne s'agit
pas de corruption, dans la mesure où l'intéressé n'effectue pas d'acte contraire à sa mission, c'est-àdire
que le rapport d'autorité n'est pas véritablement dévoyé.
232 Finalité du dévoiement. Par ailleurs, le but de ce dévoiement est également un critère essentiel
de la corruption. Il n'y a corruption que si le détournement de l'autorité poursuit une finalité personnelle,
ou plus exactement intéressée. À cet égard, les textes envisagent le but des actes répréhensibles de
façon très large. Du côté du corrompu, sont généralement visés les offres, promesses, dons, présents,
ou avantages quelconques. Du côté du corrupteur, là encore, l'avantage qu'il espère en retirer est
entendu très largement, puisqu'on retient finalement, toute décision favorable, qu'elle se traduise par
l'accomplissement d'un acte ou le refus d'accomplissement d'un acte.
233 Existence d'un pacte corrupteur. La corruption suppose aussi un accord ou un pacte, par lequel
le corrompu va procurer au corrupteur un avantage injustifié. Cet accord est essentiel, notamment
parce qu'il permet de distinguer la corruption d'autres incriminations voisines, comme le favoritisme
(C. pén., art. 432-14). En effet, le favoritisme est le fait, pour toute personne ayant le pouvoir d'intervenir
dans la passation d'un marché public, de procurer (ou tenter de procurer) à autrui un avantage injustifié
par un acte contraire aux dispositions (législatives ou réglementaires) garantissant la liberté d'accès et
l'égalité des candidats dans les marchés publics ; or, ici, il n'y a pas nécessairement corruption car le
favoritisme ne suppose pas nécessairement un accord entre corrompu et corrupteur. De la même
façon, la corruption peut être distinguée du détournement de bien public (C. pén., art. 432-15), qui est le
fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique de détruire, détourner ou soustraire un titre ou
des fonds qui lui ont été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission ; il ne s'agit pas de corruption,
car cetteinfraction neconcernequ'une seule personne, le fonctionnaire fautif, alors que la corruption
suppose un accord entre deux personnes.
Cela étant, il convient encore de préciser que le moment du pacte est désormais indifférent, depuis la
loi du 30juin 2000, qui a supprimé la condition d'antériorité du pacte par rapport aux faits de corruption.
Cela paraît traduire une conception souple et extensive du dévoiement du rapport d'autorité. Ce
qui importe en effet c'est que le rapport d'autorité soit faussé, mais les modalités concrètes du
dévoiement importent finalement relativement peu.
II. Les incriminations spécifiques de la corruption
234 Diversité. Sous l'ancien Code pénal, les dispositions du droit commun relatives à la corruption et
au trafic d'influence étaient groupées dans un ensemble unique, au sein des infractions contre la chose
publique. Mais ce classement était parfois discutable, lorsque la corruption ne portait pas directement
ou exclusivement atteinte à la chose publique, comme en cas de corruption par un particulier pour
établir de faux certificats ou fausses attestations, ou en cas de corruption de salariés. C'est la raison
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