Cours - Droit pénal des affaires - 3e - 248

DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
Certes, l'idée est séduisante, et permettrait assurément de simplifier le droit des affaires28
, mais elle
est certainement très - trop - ambitieuse car elle soulève d'innombrables interrogations, de régime,
de compétence et de délimitation. Par exemple, quelles seraient les règles, les garanties procédurales
applicables à la matière ? Les procédures spécifiques, administratives ou disciplinaires,
devraient-elles prendre le pas sur la procédure pénale ? S'agissant des sanctions, faudrait-il appliquer
des sanctions pénales, civiles, disciplinaires, administratives ou plusieurs sanctions cumulativement
? Autant de difficultés qui semblent délicates à résoudre pour les infractions de droit
commun applicables à la vie des affaires. Prenons deux exemples pour nous en convaincre : l'un
relatif à une infraction de droit commun et l'autre tenant à une infraction propre de la vie des
affaires.
Le vol est une infraction de droit commun, susceptible d'être commise tant par un primo délinquant
malhonnête que par des hommes d'affaire au-dessus de tout soupçon, qui s'approprieraient
frauduleusement des biens d'une grande valeur appartenant à autrui. À supposer qu'un Code pénal
des affaires soit créé, quel serait le devenir de cette infraction ? Faudrait-il l'intégrer dans ce
nouveau code, la laisser dans le Code pénal ou l'insérer dans les deux codes, en distinguant selon
qu'elle est, ou non, en lien avec la vie des affaires. La dernière solution paraît être la plus satisfaisante
du point de vue de la diversité des auteurs de vols, mais elle ne contribuerait certainement
pas à donner son entière cohérence, ni sa pleine autonomie, au droit pénal des affaires. L'infraction
de vol demeurerait finalement soumise à la procédure pénale et à la sanction pénale, si bien que
son incorporation dans un Code pénal des affaires ne présenterait qu'un intérêt pratique limité,
permettant uniquement de confirmer que le vol est bien une infraction susceptible d'être attachée
àlavie des affaires.
Concernant les infractions propres à la vie des affaires, la question se pose également avec insistance
: leur intégration au sein d'un Code pénal des affaires aurait-elle pour conséquence de modifier
les règles procédurales ainsi que les sanctions qui leur sont applicables, et partant, d'atténuer
leur spécificité ? Par exemple, pour les délits de fraude fiscale, s'agirait-il seulement de les faire
basculer du Code général des impôts au Code pénal des affaires, en conservant une dualité procédurale
et une dualité de sanctions ? La cohérence voulue pour le droit pénal des affaires suppose
de répondre par la négative à cette question, car un véritable travail d'harmonisation des règles qui
régiront la matière devra impérativement être effectué.
Néanmoins, malgré les difficultés d'une telle réforme, le regroupement des infractions au sein d'un
code spécifique aurait l'avantage évident de faciliter la délimitation du contenu du droit pénal des
affaires, et peut-être même de consacrer une véritable définition de ce droit. S'agissant de cette
dernière, elle est aujourd'hui législativement inexistante, si bien qu'il faut se référer à la doctrine
la plus autorisée pour trouver des éléments de définition, éléments susceptibles de varier d'un
auteur à un autre. S'agissant de la délimitation du contenu du droit pénal des affaires, elle est difficilement
réalisable en raison notamment de l'absence de définition et de l'éclatement de la matière.
Un exemple précis de cet éclatement, d'un éclatement inutile, permet de le comprendre.
Le harcèlement, qu'il soit sexuel ou moral, est une infraction de droit commun, mais une infraction
qui possède également une résonance particulière en matière de droit pénal du travail. En effet, un
regard rapide porté à la jurisprudence permet de s'apercevoir qu'une grandepartiedes faitsde
harcèlement trouvent leur assise dans les relations de travail. Le harcèlement sexuel et le harcèlement
moral, tels qu'ils sont aujourd'hui prévus par le Code pénal et par le Code du travail,
28. À propos de la simplification du droit des affaires, v. B. LECOURT, « Réflexions sur la simplification du droit des affaires », RTD com. 2015, p. 1.
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