Cours - Droit pénal des affaires - 3e - 251

Introduction : l'évolution du droit pénal des affaires
Àl'évidence non, car si le mouvement de dépénalisation semble s'être poursuivi depuis le rapport
Coulon42
, plusieurs exemples permettent d'affirmer qu'aujourd'hui encore, la vie des affaires
demeure sous l'emprise du droit pénal.
Le premier exemple est relatif aux principes fondamentaux qui régissent le droit pénal : ces principes
sont majoritairement applicables au droit pénal des affaires. En d'autres termes, le droit
pénal des affaires demeure soumis aux principes directeurs de la matière pénale. Ainsi, bien que
le principe de légalité soit malmené par un législateur qui recourt trop fréquemment à la technique
des incriminations par renvoi, multipliant alors considérablement les sources d'incriminations
pénales, le principe trouve indubitablement à s'appliquer au droit pénal des affaires. En effet, le
droit pénal, appliqué aux affaires, ne saurait se libérer du principe de légalité43
ni, par conséquent,
de ses corollaires qui sont le principe d'interprétation stricte de la loi pénale et le principe de nonrétroactivité.
La jurisprudence de la chambre criminelle reflète ce constat. Elle a par conséquent
refusé, à propos du délit de banqueroute, de faire application à des faits antérieurs de l'interdiction
de gérer une entreprise ou une personne morale, prévue par l'article 201, alinéa 1 de la loi du
25janvier 198544
. La chambre criminelle a également repris une solution classique pour le délit de
corruption de personnes n'exerçant pas une fonction publique, instauré par l'article 445-2 du Code
pénal résultant de loi nº 2005-750 du 4juillet 2005, en affirmant que s'est rendu coupable de
complicité de ce délit le prévenu qui a, après l'entrée en vigueur de la loi précitée, continué de
provoquer à la corruption en maintenant ses instructions, qui ont entraîné la poursuite des sollicitations
et des remises de fonds45
.
Le deuxième exemple concerne la sanction du droit pénal des affaires. Ainsi, bien que de
nombreuses sanctions, de nature différente puissent être prononcées, le droit pénal des affaires
demeure pénalement sanctionné. Partant, qu'il s'agisse d'infractions ayant leur assise dans le
Code pénal, ou dans d'autres lois, elles sont sanctionnées par des peines, principales et complémentaires.
L'escroquerie, consacrée par les articles 313-1 et suivants du Code pénal, est un délit
réprimépar unepeine d'emprisonnement et une peine d'amende, peines principales, et par
plusieurs peines complémentaires énoncées à l'article 313-7 du Code pénal. Les infractions à la loi
fiscale, extérieures au Code pénal et contenues dans le Code général des impôts, ont également
parfois pour conséquence d'aboutir au prononcé de sanctions pénales. En effet, si les infractions
à la loi fiscale sont en priorité sanctionnées par des pénalités de nature administrative, dans l'hypothèse
de fraudes fiscales relevant de l'article 1741 du Code général des impôts, les juridictions
correctionnelles vont pouvoir prononcer des sanctions pénales à l'encontre des auteurs et
complices de ces infractions. Ainsi, indépendamment des sanctions fiscales applicables, l'auteur du
délit de fraude fiscale est passible « d'uneamendede 500 000 € et d'un emprisonnement de cinq
ans »46
. Il encourt également la sanction de l'article 1745 du Code général des impôts47
, qualifiée par
42. En ce sens, M. VÉRON, Droit pénal des affaires, op. cit., nº 17, p. 15.
43. En ce sens, A. LEPAGE,P. MAISTRE du CHAMBON et R. SALOMON, Droit pénal des affaires, op. cit.,nº 13, p. 4.
44. Cass. crim., 16 févr. 1987, nº 86-93823 : « en ajoutant aux peines d'emprisonnement et d'amende prononcées contre les trois prévenus
susnommés, la sanction complémentaire de la faillite personnelle, sanction qu'au moment des faits poursuivis les juridictions répressives
n'avaient pas pouvoir de prononcer contre les condamnés du chef de banqueroute, la cour d'appel a méconnu le principe de la non-rétroactivité
des lois ».
45. Cass. crim., 25 févr. 2015, nº 13-88506.
46. CGI, art. 1741, al. 1. L'alinéa 2nd
du même article précise que « les peines sont portées à 2 000 000 € et sept ans d'emprisonnement lorsque les
faits ont été commis en bande organisée » ou réalisés ou facilités à l'aide des différents moyens énoncés.
47. CGI, art. 1745 : « tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive, prononcée en application des articles 1741, 1742 ou 1743 peuvent
être solidairement tenus, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes
».
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