Cours - Droit pénal des affaires - 3e - 268

DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
expérience certaine ainsi que d'une solide formation en la matière. La jurisprudence estime qu'un
délégataire trop jeune ne dispose pas de la compétence nécessaire à l'accomplissement de sa
mission17
.Tel n'est pas le cas de Marc Monet, qui a toujours travaillé dans les ressources humaines
et qui occupe le poste de directeur des ressources humaines depuis dix ans. Il a ainsi acquis une
expérience indéniable, permettant d'affirmer sa compétence.
S'agissant ensuite de l'autorité, il s'agit, là encore, d'un critère essentiel. En effet, si le délégataire
ne dispose pas de l'autorité décisionnelle, mais aussi disciplinaire sur les personnes qui lui sont
subordonnées pour la mise en œuvre des pouvoirs qui lui sont délégués, la délégation perd toute
son effectivité. Ainsi, il ne saurait être imposé au délégataire l'obligation de n'agir qu'en accord avec
le délégant ou de lui rendre compte de toutes les décisions prises18
. Marc Monet est à la tête de la
direction des ressources humaines et dispose en cette qualité d'uneautoritécertaineau sein dela
société. Il semble être pleinement en charge du recrutement, de la formation et de la rémunération
au sein de la société, pouvoirs qu'il exerce directement pour les salariés du siège. Il semble
disposer d'une autonomie en la matière, de telle sorte qu'il disposedel'autorité nécessaire pour
prendre les décisions relatives aux ressources humaines et pour les faire exécuter.
Les moyens, enfin, constituent une notion corrélée à celle d'autorité. Il est ainsi nécessaire que le
délégataire dispose des moyens nécessaires pour pouvoir accomplir cette mission, qu'il s'agisse
des moyens budgétaires19
ou des moyens techniques20
.S'il est vrai que cette obligation prend
tout son sens lorsqu'il s'agit d'hygiène et de sécurité, elle est également nécessaire en matière
économique ou sociale, dans la mesure où le respect de la réglementation suppose de disposer
des moyens suffisants pour en contrôler le respect et en assurer la mise en œuvre. La direction
des ressources humaines est dotée d'un nombre certain de salariés, travaillant sous l'autorité de
Marc Monet, chargés de mettre en œuvre toutes les exigences légales et réglementaires relatives
àlaconclusion et à l'exécution des contrats de travail. De ce fait, Marc Monet dispose bien des
moyens nécessaires pour assurer le respect de la réglementation relative à la rémunération des
salariés.
Finalement, le directeur des ressources humaines dispose de la compétence, de l'autorité et des
moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Les conditions relatives au délégataire
sont remplies, et, plus généralement, toutes les conditions de validité de la délégation de pouvoir
le sont. Il faut donc se pencher, dès à présent, sur l'effet que peut avoir cette délégation.
B. L'effet exonératoire de la délégation de pouvoirs
La délégation de pouvoirs étant valable, il faut dès à présent s'interroger sur les effets qu'elle peut
avoir quant à la responsabilité pénale de la dirigeante et du délégataire. La délégation de pouvoirs a
pour effet de transférer la responsabilité pénale du délégant, chef d'entreprise, vers le délégataire.
C'est en effet en application du principe de personnalité de la responsabilité pénale, énoncé à
l'article 121-1, que, d'une part, le chef d'entreprise est exonéré, et, d'autre part, le délégataire responsable.
Ce dernier, dès lors que la délégation de pouvoirs est valable, est celui qui dispose du
pouvoir de faire respecter la réglementation dans le domaine considéré. Il est seul responsable
17. Cass. crim., 8 déc. 2009, nº 09-82183, Bull. crim.,nº 210, D. 2010,1663,obs.C. MASCALA ; RSC 2010, 433, obs. A. CERF-HOLLENDER ; JCP E 2010, 1380, obs.
F. MARMOZ ; RDI 2010,157,obs.G. ROUJOU DE BOUBÉE ; Rev. sociétés 2010,332,obs.H. MATSOPOULOU ; AJ pénal 2010,138,obs.J. LASSERRE CAPDEVILLE.
18. Cass. crim., 19 août 1997, nº 96-83944, Bull. crim., nº 285, Rev. sociétés 1997,863, obs.B. BOULOC ; Dr. pénal 1997, comm. 158, obs. J-H. ROBERT ;
Bull. Joly Sociétés 1998, p. 36, note C. MASCALA.
19. Cass. crim., 12 mai 2009, nº 08-82187.
20. Cass. crim., 28 nov. 2017, nº 16-85414.
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