Cours - Droit pénal des affaires - 3e - 278

DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
une faute simple suffit à engager la responsabilité de la personne physique auteur directe de
l'infraction (C. pén., art. 121-3, al. 3 ), il faudra en revanche démontrer une faute qualifiée dans le cas
inverse (C. pén., art. 121-3, al. 4). Le lien de causalité sera considéré comme direct lorsque la personne
physique aura directement causé le dommage. Il est indirect lorsque l'auteur des faits a seulement
créé ou contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage ou n'a pas pris les
mesures permettant de l'éviter. En l'espèce, la cause directe du décès de l'ouvrier est la chute de
l'échafaudage. Mais en ne fournissant pas à son salarié un matériel apte à empêcher sa chute,
Olivier n'a pas pris les mesures permettant d'éviter la réalisation du dommage. Il doit donc être
considéré comme auteur indirect au sens de l'article 121-3, al. 4 du Code pénal.
L'élément matériel de l'infraction étant démontré, il convient désormais d'envisager l'élément moral.
Le lien de causalité est indirect et Olivier est une personne physique. Dans cette situation,
l'article 121-3, alinéa 4 du Code pénal impose la démonstration d'une faute de mise en danger délibérée
ou d'une faute caractérisée.
La faute de mise en danger délibérée consiste en la violation manifestement délibérée d'une obligation
particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. Pour la retenir, il
convient d'identifier le texte légal ou réglementaire énonçant spécifiquement la règle violée
(Cass. crim., 18juin 2002, nº 01-85537). En l'espèce, bien qu'il pèse sur l'employeur une obligation
générale et naturelle de sécurité, l'énoncé ne précise pas l'existence d'une règle précise relative
aux barrières de sécurité sur les échafaudages. Faute de précisions, il convient d'écarter l'existence
d'une faute délibérée.
La faute caractérisée se rattache à une faute dont les éléments sont marqués par une certaine
gravité. L'auteur manifeste, en toute connaissance de cause, une indifférence et une négligence
manifestes à l'égard des règles de prudence et de sécurité qu'un individu raisonnable, placé dans
la même situation, aurait respectées. Cette faute peut également résulter d'un cumul de fautes
simples d'imprudence ou de négligence (Cass. crim., 10 déc. 2002, nº 02-81415). En toute hypothèse,
trois éléments cumulatifs permettent de retenir cette faute. En premier lieu, elle doit être d'une
certaine gravité (1). En second lieu, elle doit exposer autrui à un danger d'une particulière gravité (2).
Enfin, son auteur ne pouvait ignorer le risque auquel il exposait la victime (3).
(1). La condition de gravité traduit une imprudence ou une négligence caractérisée. Tel est le cas du
chef d'entreprise qui ne veille pas au respect des conditions de sécurité nécessaires à la réalisation
des travaux (Cass. crim., 11 juill. 1998, Bull. crim., nº 222), ne prévoit des mesures de sécurité suffisantes
(Cass. crim., 21 oct. 1969, Bull. crim., nº 260) ou ne s'assure pas du bon état du matériel qu'il
met à disposition des ouvriers (Cass. crim.., 5mars 2002, nº 01-84284)1
.En l'espèce, Olivier était dirigeant
et conduisait personnellement le déroulement du chantier. Or, il a pris la décision de revendre
les échafaudages sécurisés et de fournir à ses salariés un matériel dont il connaissait l'ancienneté
et le caractère vétuste. Eu égard à ses fonctions, son pouvoir décisionnel et sa connaissance de
l'absence de barrières de sécurité sur les échafaudages, la faute qu'il a commise est à l'évidence
d'une certaine gravité.
(2). La condition relative à l'exposition à un risque grave ne soulève en l'espèce aucune difficulté. En
effet, l'ouvrier travaillait à une certaine hauteur puisqu'il était monté sur un échafaudage. Il y avait
donc un risque grave pour sa santé en cas de chute. En fournissant un échafaudage dépourvu de
barrières, la faute d'Olivier a donc exposé son salarié à un risque d'une particulière gravité, comme
le démontre en l'espèce la survenance du décès.
1. Cass. crim., 5mars 2002 ; RSC 2002,p. 837,obs. GIUDICELLI-DELAGE.
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