Cours - Droit pénal des affaires - 3e - 308

DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
B. S'agissant des fonctions du maire dans la société commerciale UIM
En demeurant directeur général d'une société commerciale, tout en présidant aux délibérations de
son Conseil municipal sur la délivrance d'autorisations avantageuses pour cette société, le maire
commet-il ledélit de priseillégaled'intérêts ?
Le délit de prise illégale d'intérêts est prévu à l'article 432-12 du Code pénal (l'article 432-13 de ce
même code concerne la prise illégale d'intérêts postérieure à la fonction publique, autrement
appelée délit de « pantouflage »). En l'instituant, le législateur a entendu «moraliser la vie publique
en opérant une distinction nette entre le pouvoir, d'une part, les affaires et l'argent, d'autre part »21
.
Autrefois appelé « délit d'ingérence », l'infraction réprime des conflits d'intérêts particulièrement
graves qui entachent la légitimité des décisions publiques. Ainsi, la prise d'intérêts illicite se caractérise,
pour un agent public, par le fait de « prendre, recevoir ou conserver », même indirectement
un « intérêt quelconque » dans une entreprise ou une opération pour laquelle l'agent à la charge,
au moment de l'acte, d'assurer « en tout ou partie, la surveillance, l'administration, la liquidation ou
le paiement ». Dès lors, il importe peu que la décision finale n'appartienne pas complètement à
l'auteur du délit, celui-ci ne disposant pas d'un pouvoir propre de décision22
.Enfin,l'élément intentionnel
s'entend très largement comme la simple conscience de commettre un abus de sa fonction
ou de son mandat pour en retirer un avantage au moins moral23
.
En l'espèce, le maire d'une commune est recruté en qualité de directeur général d'une société
commerciale. Il préside par la suite à une délibération du Conseil municipal de sa commune
devant statuer sur différentes autorisations bénéficiant à cette société privée, laquelle va réaliser
par l'opération de substantielles économies.
Il n'est pas contestable que le maire, personne investie d'un mandat électif public, ait eu au
moment de la délivrance des autorisations en cause un pouvoir d'administration et de surveillance
de ces opérations. Le fait que la mesure résulte d'une décision collégiale, en l'occurrence levotedu
Conseil municipal, aurait pu constituer une difficulté. Mais la jurisprudence a établi sans ambiguïté
la responsabilité d'un maire qui a présidé à de semblables délibérations24
thèse où ce dernier n'aurait pas pris part au vote25
,y compris dans l'hypo.
Reste à déterminer si le fait que le maire
n'ait retiré aucun profit direct de l'opération puisse constituer un obstacle à la répression. La jurisprudence
nous conduit à répondre par la négative. En effet, une jurisprudence ancienne et établie
apprécie l'intérêt illicite comme pouvant être seulement moral ou indirect à l'opération considérée26
.
21. M. VÉRON, Droit pénal des affaires, op. cit,p. 86.
22. Suivant une jurisprudence constante. Voir notamment : Cass. crim., 14juin 2000 : Bull. crim., 2000, nº 221 ; Dr. pén.2001, comm. 5, obs.M. VÉRON
(architecte investi d'une mission de maîtrise d'œuvre paretpourle compte d'une collectivité ou un organisme publics) ; Cass. crim., 26 sept.
2001 : Bull. crim., 2001, nº 193 ; D. 2002, somm. 1800, obs. M. SEGONDS ; Dr. pén. 2002, comm. 34, obs. J. -H. ROBERT (mandataires judiciaires) ; Cass. crim.,
27 févr. 2002 : Bull. crim., 2002, nº 48 [ingénieur au commissariat à l'énergie atomique (CEA) mis à la disposition de l'agence nationale de valorisation
de la recherche (ANVAR)] ; Cass. crim., 9mars 2005 : Bull. crim., 2005, nº 81 ; D. 2005, IR, 1050 ; Dr. pén.2005,comm. 115, obs. M. VÉRON ; RSC
2006, p. 75, obs. J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE (élu ayant un simple pouvoir d'avis en vue de décisions prises par d'autres instances).
23. Voir notamment : Cass. crim., 29juin 2011 : Bull. crim., 2011, nº 153 ; Cass. crim., 29 sept. 1999 : Bull. crim., 1999, nº 202 ; D. 2000, somm. 125, obs.
M. SEGONDS ; Dr. pén. 2000, nº 15 ; RSC 2000,p. 473,obs.B. BOULOC ou encore Cass. crim., 27 nov. 2002 : Bull. crim., 2002, nº 213 ; D. 2003, p. 2406, note
M. SEGONDS. Pour un panorama d'ensemble : M. SEGONDS, « Élément intentionnel du délit de prise illégale d'intérêts », D. 2003, p. 245.
24. Cass. crim., 19 mars 2008 : Bull. crim., 2008, nº 69 ; RSC 2008, p. 592, obs. C. MASCALA ; AJ pénal 2008,p. 238,obs.M.-E. CHARBONNIER ; RTD com.
2008,p. 878, obs.B. BOULOC.Il est d'ailleurs à noter que la simple « participation » du conseiller d'une collectivité territoriale à un organe délibérant
dont la décision porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt suffit à caractériser la surveillance ou l'administration de l'opération :
Cass. crim., 19mai 1999 : Bull. crim., 1999, nº 101 ; D. 2000, somm. 124, obs. M. SEGONDS ; Dr. pén. 1999, comm. 139, 1er
arrêt, obs. M. VERON;Cass. crim.,
14 nov. 2007 : Bull. crim., 2007, nº 279 ; D. 2008, AJ, 89 ; AJ Pénal 2008, p. 35 ; AJDA 2007, 2346.
25. Cass. crim., 9 févr. 2005 : Bull. crim., 2005, nº 48 ; Dr. pén. 2005, comm. 114 ; RSC 2005,p. 560,obs.J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE.
26. Pour une illustration, voir notamment : Cass. crim., 22 oct. 2008 : Bull. crim., 2008, nº 2012 ; AJ pénal 2009, somm. 34, obs. G. ROYER.« L'intérêt,
matériel ou moral, direct ou indirect, pris par des élus municipaux en participant au vote des subventions bénéficiant aux associations
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