Cours - Droit pénal des affaires - 3e - 43

La spécificité du droit pénal des affaires au regard du droit pénal général
ou encore le directeur d'usine dont l'employé déverse ses produits polluants... les cas de cette responsabilité
du chef d'entreprise sont, finalement, très fréquents.
II. Les conditions de la responsabilité pénale du chef d'entreprise
50 Commission d'une infraction par le préposé. La responsabilité pénale du dirigeant suppose
d'abord la commission d'une infraction par le préposé. De manière générale, l'infraction commise par
le préposé doit être une infraction non-intentionnelle, ou une contravention. Mais la jurisprudence
admet parfois, de façon exceptionnelle, que l'infraction commise par le préposé puisse être une infraction
intentionnelle. On l'a ainsi admis en matière de tromperie sur les qualités essentielles des
marchandises, ou de publicité mensongère. Cette jurisprudence reste cependant très critiquée, et très
critiquable, dans la mesure où en aucune façon cette intention n'existe chez le dirigeant. Il faut encore
souligner que, bien évidemment, la responsabilité pénale du dirigeant n'exclut en principe pas celle du
préposé. Néanmoins, pour des raisons d'opportunité, on poursuit parfois seulement le dirigeant.
Surtout, en matière de manquement aux règles d'hygiène et de sécurité, le préposé ne saurait être
responsable : seul le dirigeant doit l'être, car seul lui avait la responsabilité de ces questions.
51 Existence d'une faute personnelle imputable au dirigeant. La seconde condition fondamentale de
la responsabilité du dirigeant est l'existence d'une faute personnelle du dirigeant. C'est ce qui permet
de dire que celui-ci n'est pas responsable du fait d'autrui, mais de son propre fait. Mais cette faute du
dirigeant est présumée : l'infraction du préposé révèle la faute du dirigeant. Cette présomption reçoit,
dans la jurisprudence, un caractère quasiment irréfragable. La jurisprudence n'admet pas en effet l'exonération
par la preuve de l'absence de faute. Mais la loi du 10 juillet 2000 sur les délits non-intentionnels,
qui exige en cas de causalité indirecte une faute qualifiée, aurait pu permettre d'accorder aux
chefs d'entreprise une certaine clémence, mais la jurisprudence a maintenu sa jurisprudence rigoureuse.
La seule et véritable possibilité d'exonération du dirigeant est ainsi la preuve d'une délégation
de pouvoir auprofit dupréposé.
52 Délégation de pouvoir. Par cinq arrêts en date du 11 mars 199316
, la chambre criminelle a affirmé
que « hors les cas où la loi en dispose autrement, le chefd'entreprise, qui n'a pas personnellement
pris part àlaréalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité s'il rapporte la preuve
qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens
nécessaires ». Ce faisant, la jurisprudence a précisé le domaine, les conditions et les effets de la délégation
de pouvoir. S'agissant du domaine, la délégation de pouvoir peut jouer en toutes matières, sauf
texte spécial l'interdisant expressément. De fait, la configuration des entreprises rend la délégation de
pouvoir très fréquente. S'agissant des conditions, la jurisprudence précise que c'est au chef d'entreprise
d'en rapporter la preuve, même si celle-ci ne doit pas nécessairement être écrite17
. Elle doit être
spéciale, les délégations générales et permanentes n'étant pas admises. De plus la codélégation n'est
pas admise, mais la subdélégation peut l'être. Il faut enfin qu'il existe un lien de subordination entre le
délégant et le délégué, et, bien sûr, que le délégué soit pourvu de la compétence de l'autorité et des
16. Cass. crim., 11 mars 1993, Bull. crim., nº 112.
17. En pratique, il est plus clair pour le dirigeant comme pour le préposé de rédiger et signer une délégation de pouvoir, qui sera le plus souvent
annexée au contrat de travail. Cela étant, même si un salarié avait expressément refusé de signer une telle délégation, les circonstances de fait
peuvent permettre de la considérer comme établie, si le préposé reconnaît avoir la compétence, l'autorité et les moyens de la mission qui lui a
été confiée.
43

Cours - Droit pénal des affaires - 3e

Table des matières de la publication Cours - Droit pénal des affaires - 3e