Manuel - Responsabilité administrative - 2e - 382

RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE

de ce délai de prescription permet de limiter l'impact financier de la responsabilité administrative. En droit civil, le délai de la prescription de
droit commun était de trente ans, il a été ramené à cinq ans par une
réforme du Code civil de 200853 : les deux délais de droit commun pour
les personnes publiques d'une part, pour les personnes privées d'autre
part sont donc aujourd'hui très proches. À côté du délai de droit commun,
le législateur peut instaurer des délais spéciaux. Ainsi, la loi du 4 mars
2002 relative aux droits des malades a instauré une prescription décennale en matière médicale54 valable autant pour le service public hospitalier que pour le secteur médical privé alors que le premier était soumis à
la prescription quadriennale et le second à une prescription trentenaire55.
501. Point de départ du délai de prescription - Le délai court à
partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les
droits ont été acquis. Il faut donc d'abord déterminer la date à laquelle
le droit à réparation est constitué. Il s'agit de la date du fait dommageable
lorsque celui-ci est à l'origine d'un préjudice immédiat, par exemple la
date de notification d'un acte illégal préjudiciable. Parfois, le préjudice
n'est pas révélé dès la production du fait dommageable, mais sera connu
ultérieurement ou il verra son étendue se modifier avec le temps. Il est
alors nécessaire d'attendre que le préjudice soit entièrement révélé. Pour
un préjudice corporel, est prise en compte la date de sa consolidation.
Lorsque le préjudice causé par le fonctionnement d'un ouvrage public
s'inscrit dans le temps, le Conseil d'État applique là aussi un report du
point de départ du délai de prescription, car les droits de créance de la
victime ne sont acquis qu'à « la date à laquelle la réalité et l'étendue de
ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus
et pouvant être exactement mesurés »56. Le préjudice doit donc être
connu dans sa nature, son importance, son étendue. Parfois, le préjudice
présente une certaine durée parce que le fait dommageable lui-même est
continu, par exemple lorsque le manquement à une obligation perdure
53. Art. L. 2224 (issu de la loi nº 2008-561 du 17 juin 2008) : « Les actions personnelles ou mobilières se
prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les
faits lui permettant de l'exercer ». Toutefois, le délai est parfois plus long, spécialement en ce qui concerne
l'indemnisation du dommage corporel : v. C. civ., art. 2226, al. 1er : « L'action en responsabilité née à raison
d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des
préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage
initial ou aggravé ».
54. V. CSP, art. L. 1142-28 (issu de la loi nº 2016-1017 du 26 janv. 2016). Cette disposition inclut à présent
dans son champ d'application certaines demandes d'indemnisation adressées à l'ONIAM. Le Conseil d'État
y inclut celles qui concernent des infections nosocomiales : v. CE, avis, 12 févr. 2020, nº 435498.
55. Le Code civil prévoit à présent un délai de dix ans en principe pour les dommages corporels,
v. article 2226 alinéa 1er : « L'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par
dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ».
56. CE, 6 nov. 2013, nº 354931, Dezeuze, Lebon, p. 267 ; AJDA 2014, p. 641, note CAMGUILHEM. Pour les préjudices continus, la victime ne perd jamais le droit de demander réparation d'un préjudice qui se poursuit,
mais elle n'a droit à la réparation que de la partie non prescrite de ce préjudice (CE, 1er oct. 1956, Consorts
Bidaud, Lebon, p. 479). Le séquençage du préjudice continu est appliqué également aux préjudices causés
par des travaux publics qui se sont déroulés durant plusieurs années (CE, 23 avr. 1965, Mme Duhême : Lebon,
p. 235).

380

Manuel - Responsabilité administrative - 2e

Table des matières de la publication Manuel - Responsabilité administrative - 2e