Manuel - Responsabilité administrative - 2e - 396

RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE

l'administration. Enfin, l'injonction ainsi conçue par le Conseil d'État doit
être sollicitée par le requérant qui demande une condamnation pécuniaire de la personne publique. Elle ne semble pas pouvoir être prononcée d'office.
522. Une innovation jurisprudentielle mesurée. - Dans la jurisprudence Baey, le Conseil d'État se prononce sur un cas d'abstention illégale
d'une autorité de police et reconnaît un pouvoir d'injonction qui s'applique
à toute hypothèse de responsabilité pour faute. Avec l'arrêt Commune de
Chambéry, il conditionne l'extension de l'injonction à une hypothèse de responsabilité sans faute dans le seul cas où le préjudice perdure à cause d'une
faute de l'administration. Le Conseil d'État aurait pu saisir l'occasion présentée par l'affaire Monte-Carlo Hill pour affirmer le pouvoir d'injonction pour
toute hypothèse de responsabilité sans faute, mais il a repoussé cette possibilité. Le rapporteur public Victor à propos de l'arrêt Commune de Chambéry et
le rapporteur public Pellissier pour l'affaire Monte-Carlo Hill proposaient pourtant, l'un et l'autre, d'aller plus loin et de reconnaître le pouvoir d'injonction
sans le lier à l'idée de faute. Le second souligne qu'en étant conditionné à la
faute, le pouvoir d'injonction à peine reconnu est aussitôt jugulé110. Le Conseil
d'État a pourtant choisi une voie mesurée, ne souhaitant pas affirmer l'extension de la jurisprudence Baey à toute hypothèse de responsabilité sans faute.
Certes, il est des arguments qui plaident en faveur d'une spécificité telle de la
responsabilité sans faute qu'il faudrait limiter les prérogatives du juge. Tout
d'abord, l'idée que le tiers à un ouvrage public n'a droit, au mieux, qu'à une
indemnisation, car cet ouvrage sert l'intérêt général. Ensuite, il peut paraître
contraignant pour l'administration de se voir adresser une injonction alors
qu'elle n'a violé aucune obligation. Enfin, l'idée que la responsabilité sans
faute permet seulement de faciliter l'indemnisation de la victime, alors
même qu'une faute est parfois envisageable. Dans ce cas, il incombe à la victime d'agir sur le fondement de cette faute et de joindre à sa demande d'indemnisation une demande d'injonction. Toutefois, d'autres arguments pouvaient jouer en sens opposé pour convaincre de l'utilité du pouvoir
d'injonction, même en responsabilité sans faute. En particulier, la pression
exercée par le juge sur l'administration peut permettre de dépasser des blocages, des inerties maintenant une victime dans une situation qui lui est préjudiciable. Le fait dommageable peut même faire perdre tout intérêt à la
réparation : à quoi bon réparer, grâce à l'indemnisation, un bien qui continue
de se détériorer si la personne publique n'agit pas sur la cause de la situation
dommageable ? De surcroît, il est parfois moins onéreux pour l'administration de réaliser les mesures requises par le juge, plutôt que de voir la même
victime le saisir à diverses reprises pour obtenir l'indemnisation d'un préjudice qui perdure. Étendre l'usage de l'injonction éviterait également de
110. Les arguments pour et contre l'extension de ce pouvoir en responsabilité sans faute sont récapitulés
par le rapporteur public Victor : VICTOR R., concl. sur CE, 18 mars 2019, nº 411462, Commune de Chambéry,
Lexbase, Hebdo édition publique nº 539, 4 avr. 2019. L'intérêt d'une vision large du domaine de l'injonction
est démontré par PELLISSIER G., concl. sur CE, 6 déc. 2019, nº 417167, Syndicat des copropriétaires du MonteCarlo Hill, RFDA 2020, p. 121.

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