Systèmes - Les sources constitutionnelles du droit administratif - 10e - 52

Les sources constitutionnelles du droit administratif

De son côté, le Conseil d'État a donné aux directives, même non transposées, une portée de plus en plus large. Il a d'abord jugé que tout acte
réglementaire devait à peine d'illégalité se conformer aux orientations des
directives (7 déc. 1984, Fédération française des sociétés de protection de la
nature). Puis il a décidé que non seulement une directive interdisait de prendre un règlement contraire à ses objectifs, mais encore qu'elle constituait
une circonstance de droit nouvelle obligeant à modifier les textes réglementaires antérieurs qui comportaient des prescriptions incompatibles avec elle
(3 févr. 1989, Cie Alitalia). La décision du 28 février 1992, Stés Rothmans International et Philip Morris fait prévaloir la directive sur la loi. Puis le Conseil
d'État juge que toute règle de droit interne, écrite ou non, incompatible
avec les objectifs d'une directive cesse de s'appliquer à l'expiration du
délai de transposition (6 févr. 1998, Tête ; 20 mai 1998, Communauté de communes du Piémont de Barr).
La jurisprudence Ministre de l'Intérieur c/ Cohn-Bendit, qui n'avait dès lors
plus guère de portée, a été en définitive abandonnée par la décision du
30 octobre 2009, Mme Perreux. Dans cet arrêt, le Conseil d'État relève que
l'obligation de transposition des directives en droit interne repose sur un
double fondement, constitutionnel et conventionnel. À la règle issue des
traités s'ajoute, en effet, l'obligation constitutionnelle de transposition des
directives, qui découle de l'article 88-1 de la Constitution, selon la portée
que le Conseil constitutionnel lui a donnée dans sa décision du 10 juin
2004. Le Conseil d'État en déduit que, « pour chacun de ces motifs », constitutionnel et conventionnel, « il appartient au juge national, juge de droit commun de l'application du droit communautaire, de garantir l'effectivité des
droits que toute personne tient de cette obligation à l'égard des autorités
publiques ». Aussi rejoint-il complètement la Cour de justice pour juger
que, même non transposée, une directive peut, après l'expiration du délai
de transposition, être directement invoquée à l'encontre des autorités nationales.
b) Au-delà des particularités du droit dérivé, le droit de l'Union s'inscrit
dans un ordre juridique qui le distingue de plus en plus nettement du droit
international général. Dès son arrêt Costa c/ Enel du 15 juillet 1964, la Cour
de justice de Luxembourg souligne que le traité de Rome « à la différence des
traités internationaux ordinaires, a institué un ordre juridique propre, intégré au
système juridique des États membres ». Elle qualifie ce traité de « charte
constitutionnelle de base » (23 avr. 1986, Parti écologiste Les Verts et avis du
14 décembre 1991 sur l'Espace économique européen). Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ont rejoint cette analyse. Dans sa décision du
9 août 2012 relative au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, le Conseil constitutionnel relève ainsi que « le constituant a consacré l'existence d'un ordre juridique
de l'Union européenne intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre
juridique international ». Il précise que, tout en confirmant la place de la
Constitution au sommet de l'ordre juridique interne, l'article 88-1 de

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