Systèmes - Les sources constitutionnelles du droit administratif - 10e - 80

Les sources constitutionnelles du droit administratif

fin à une jurisprudence qui admettait une ratification implicite résultant de
la référence faite par une loi à une ordonnance antérieure, la révision du
23 juillet 2008 ajoute à l'article 38 une phrase selon laquelle les ordonnances « ne peuvent être ratifiées que de manière expresse ».
La liste limitative de l'article 34, les précautions de l'article 37, la possibilité d'ordonnances se conjuguaient pour donner en 1958 le sentiment que
la loi se trouvait désormais enserrée dans un corset très étroit. La pratique
a toutefois débouché sur une réalité bien différente : un équilibre nouveau
s'est instauré entre la loi et le règlement, qui profite au moins autant à cellelà qu'à celui-ci.
3. Des jurisprudences combinées et cohérentes du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État découle une application de l'article 34 assez éloignée des prévisions d'origine. Trois grandes caractéristiques ressortent de
ces jurisprudences. Elles ont assuré, tout d'abord, un lien entre le nouveau
cadre juridique et les règles antérieures. Elles ont, en deuxième lieu, compris de façon très extensive les dispositions de l'article 34. Elles ont, enfin,
tiré quelques conclusions inattendues, qui donnent des articles 34 et 37 une
lecture presque inversée par rapport à celle qui en était initialement faite.
a) La jurisprudence exerce par nature des effets stabilisateurs. Aussi les
articles 34 et 37 ont-ils été interprétés, même s'ils dessinaient un cadre nouveau, en tenant compte de la situation antérieure. Tant le Conseil constitutionnel que le Conseil d'État ont estimé que l'article 34 n'avait pu avoir pour effet
de réduire la compétence réglementaire par rapport à la situation d'avant
1958 : là où il était précédemment intervenu, le pouvoir réglementaire a pu
continuer à s'exercer. Ainsi le gouvernement dispose d'un pouvoir réglementaire autonome, qui lui permet « de prendre les mesures de police
applicables à l'ensemble du territoire et justifiées par les nécessités de l'ordre public » (CE, 19 mars 2007, Le Gac). L'article 34 n'a pas non plus fait disparaître le pouvoir d'application des lois et, même dans les matières où la
loi fixe les règles, il y a place pour les mesures réglementaires nécessaires
à l'application de celles-ci. À ces références au passé, qui confortent plutôt
le pouvoir réglementaire, s'ajoute, dans un sens cette fois favorable à la loi,
une continuité avec la jurisprudence selon laquelle des matières sont réservées à la loi par la tradition républicaine.
b) Conseil constitutionnel et Conseil d'État ont ensemble considérablement
élargi le champ d'intervention du législateur par l'interprétation très extensive
qu'ils ont donnée de chacun des alinéas de l'article 34. Ils ont, tout d'abord, et
de façon générale, adopté une conception dite « unitaire » de l'article 34, qui
a effacé la distinction entre les matières où la loi fixe les « règles » et celles
où elle énonce seulement des « principes fondamentaux ». L'existence, dans
tous les cas, d'un pouvoir réglementaire d'application de la loi est l'un des
éléments de cette unité. Surtout l'expression « principes fondamentaux » a
été en réalité assimilée à celle de « règles » : en matière, par exemple, d'enseignement ou de sécurité sociale, la compétence du législateur ne se
limite pas aux grands principes.

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