Hors collection - Regards des juristes d'Amérique latine sur la réforme du droit des obligations - 145

MIGUEL EDUARDO RUBíN

133

donc, le substrat, admis peu de fois, de l'énorme résistance aux changements impulsés par la communauté internationale et qui s'exprimait dans
les projets de la communauté européenne150.
Comme on va le voir ensuite, cette résistance féroce de la doctrine française a été (et continue à être) enrobée, pour la galerie, dans le drapeau de
la cause.
Dans une attitude qui mériterait d'être étudiée par la psychologie sociale,
d'un côté « le reste du monde » (incluant les puissants pays anglo-saxons)
percevait la cause des contrats comme un obstacle à l'harmonisation des
systèmes151, de l'autre, les Français (et leurs acolytes) refusaient de se défaire
d'un concept sur lequel ils avaient bâti (et continuaient à bâtir) leur jurisprudence en matière de contrats.
La première tentative de réforme du régime des obligations et des
contrats du droit français du xixe siècle fut le pré-projet Catala de 2005152.
Pour confirmer la thèse que je viens d'esquisser, il vaut mieux faire
référence aux mots de Catala lui-même : « mais les "principes européens"
omettent la cause comme justification de l'engagement153, confèrent au
juge le pouvoir de refaire le contrat (ce que les auteurs du pré-projet ont
refusé tout net) et admettent l'annulation du contrat par voie de notification
à l'autre contractant ». Plus loin il ajoute : « ces solutions, potentiellement
dangereuses en matière civile, agrégées à la judiciarisation des contrats,
éveilleront, sans aucun doute, des réserves chez les civilistes français »154.
Et de conclure : « le projet reste fidèle à la cause (art. 1124 et s.)155, à l'obligation de donner et à son exécution par le seul échange de consentement
publications/le_legislateur_et_le_droit_prive.pdf ; López Mesa M. J., « La place de la volonté
individuelle dans le nouveau Code civil et commercial », in Les perspectives de modernisation
du droit des obligations : comparaisons franco-argentines, œuvre collective de l'association
henri Capitant, Dalloz.
150. Talau J.-M., « La pérennité du Code civil en France », InDret, 1, 2005, http://www.
raco.cat/index.php/InDret/article/viewFile/79286/103426.
151. Car cela impliquait d'ajouter, de manière inutile, une donnée dans l'équation des
contrats jusque-là inexistante.
152. On peut lire une versión en espagnol grace à la traduction de Juppet Rodríguez P. G.,
Anteproyecto de reforma del derecho de las obligaciones y del derecho de la prescripción,
http://www.tesis.uchile.cl/tesis/uchile/2011/de-juppet_p/html/index-frames.html.
153. Le fait que Catala ait parlé de la cause comme justification de l'engagement et non du
contrat répond à une théorie qu'il a développée pendant des années. Comme tant d'autres
idées de juristes, elle a eu plus d'importance pour le débat universitaire que pour le monde
des affaires.
154. Català P., Presentación general del Ante-Proyecto, http://www.justice.gouv.fr/art_
pix/rapportcatatla0905-espagnol.pdf.
155. La rédaction de l'article 1124 (qui n'a eu qu'un seul apport significatif, à savoir
éclaircir le fait que la cause se réfère à l'engagement et non au contrat) s'écartait aussi de la
position de la Cour de cassation qui, pour justifier l'annulation du contrat décrétait plus
largement qu'il suffisait qu'une des parties se soit proposée un but illicite ou immoral, même

http://www http://www.tesis.uchile.cl/tesis/uchile/2011/de-juppet_p/html/index-frames.html http://www.justice.gouv.fr/art_

Hors collection - Regards des juristes d'Amérique latine sur la réforme du droit des obligations

Table des matières de la publication Hors collection - Regards des juristes d'Amérique latine sur la réforme du droit des obligations