Systèmes - Les grandes affaires de responsabilité de la puissance publique - 56

Les grandes affaires de responsabilité de la puissance publique
la carence fautive de l'agence dans sa mission de contrôle de l'information
figurant dans l'AMM de la Dépakine. Même si Sanofi a minimisé
les risques du valproate de sodium, l'Agence avait des pouvoirs
suffisants pour initier une modification de l'autorisation et aurait
donc pu agir plus tôt.
Comme dans les affaires précédentes, le juge doit examiner la
chronologie des faits pour situer la faute dans le temps. Pour les
grossesses antérieures à 1981, il considère qu'il n'y a pas de faute
de l'agence car 1981 est l'année de publication des premières études
scientifiques révélant les risques de malformations congénitales
dues au valproate de sodium. Par la suite, les manquements à l'obligation
d'information sont analysés en fonction des risques établis et
des informations dispensés dans le RCP et dans la notice. Dès lors,
le rapporteur public a considéré que « les dangers du médicament
en termes de troubles neuro-développementaux étaient suffisamment
documentés à compter de l'année 2004 pour provoquer une
réaction appropriée de l'autorité publique » et que « parmi les troubles
neuro-développementaux, la relation entre l'exposition in utero
au valproate de sodium et le développement d'une forme d'autisme
est établie formellement en 2013 ». Un appel est en cours face à ces
jugements : la reconnaissance du lien entre la Dépakine et l'autisme
(pour des grossesses antérieures à 2004) est importante pour les
familles dont les dépenses liées à ce handicap ne sont, à ce stade,
pas indemnisées. Une fois encore, les données scientifiques et le
degré d'information de l'autorité publique sur un risque avéré sont
déterminants pour fixer la période de responsabilité.
Dans ces limites, la responsabilité de l'État est alors engagée
pour faute simple et une présomption de causalité5
est utilisée
pour établir le lien entre l'exposition à la Dépakine et les malformations
et troubles développés. En revanche, le tribunal administratif
exonère l'État partiellement : celui-ci doit indemniser les victimes à
hauteur de 20 ou 40 %, les médecins prescripteurs et Sanofi devant
supporter leur part de la charge de la dette. Comme pour le Mediator,
aux victimes donc de multiplier les actions contentieuses...
5. Cette présomption pourrait cependant se décomposer en deux phases pour « remonter »
des pathologies jusqu'àl'exposition à la Dépakine puis à la faute de l'Agence. S. Brimo
souligne précisément que le tribunal « s'abstient de s'interroger réellement sur le fait de
savoir si, sans la faute de l'Agence, l'exposition à la Dépakine in utero aurait bien eu lieu ».
BRIMO S., Note sous TA Montreuil, 2 juill. 2020, no
1704392, no
104275 et no 104394, AJDA
2020, p. 2102. V. également les conclusions de R. Felsenheld dans ces affaires (RFDA 2020,
p. 1131).
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