Hors collection - Finances publiques et justice sociale - 179

ABDALLAH SAAF

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III - QUELQUES PERSPECTIVES MAROCAINES
DE JUSTICE SOCIALE
Dans la phase à venir plusieurs éléments peuvent être avancés :
1. tout d'abord il convient de sortir de la matrice dominante qui
a engendré l'État social dans les conditions de l'Occident, pour s'ouvrir
à d'autres façons d'instituer les solidarités humaines (l'Inde, l'Afrique,
le monde arabe)25. Il est évident qu'en dépit de tous les antécédents au
niveau institutionnel26, de l'accumulation des effets de plusieurs décennies
de politiques sociales, les éléments épars du dit « système » de protection
sociale, l'État social marocain ne saurait être considéré comme un monument déjà établi, mais un projet d'avenir, à construire et à reconstruire sans
cesse. D'ores et déjà, il peut être avancé que l'intégration, l'unification des
instances de gouvernance est une nécessité.
2. À plusieurs reprises, lors d'événements peu ordinaires, notamment
ceux liés au Printemps arabe, il a été souligné que ce projet d'État social
n'ayant pas atteint ses objectifs fondateurs, aurait été déstabilisé à la fois
par des facteurs internes et des facteurs externes. Cela aurait poussé nombre
de citoyens à réclamer l'élaboration d'un nouveau contrat. Selon nombre
d'analyses, l'État social initial reposait sur un hypothétique contrat social
à la veille de son indépendance, une sorte de contrat synallagmatique,
à travers lequel s'élaborerait non pas un échange de prestations dûment
circonscrites entre les institutions et les populations, mais une sorte de pacte
moral27. La légitimité de cet État était forte des aspirations portées par les
mouvements de libération nationale à plus de justice sociale28. L'échec dans
la réalisation des anciens objectifs, plus l'apparition de nouveaux objectifs,
exigeraient aujourd'hui l'élaboration d'un nouveau contrat.

25. On relève un renouveau théorique du mouvement de protestation par rapport aux
anciennes théories de la révolte dans le pays, voir par exemple, Mounia Bennani-Chraibi
et Olivier Fillieule, « Pour une sociologie des situations révolutionnaires : Retour sur
les révoltes arabes », RFSP, vol. 62, n° 5, 2012, p. 775. Également Shinichi Shigetomi,
Rethinking theories on social movements and developments, Protest and Social Movements
in the Developing World, by Shinichi Shigetomi, Kumiko Makino, Massachussets, edward
elgar, 2009, pp. 7-6. Joël Beinin, Frédéric Vairel, Introduction : The Middle East and
North Africa beyond classical social movement theory, Social Movements, Mobilzation,
and contestation in the Middle East and North, by Joël Beinin, Frédéric Vairel, Africa,
Stanford university Press, 2011, p. 2.
26. Amartya Sen, La démocratie des autres. Pourquoi la liberté n'est pas une invention de
l'Occident, Payot, Paris, 2003.
27. Voir le titre I de la Constitution de juillet 2011.
28. La légitimation des pouvoirs en échange de la satisfaction des besoins fondamentaux.

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