Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 156

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LA PROTECTION DES LANGUES MINORITAIRES
ET RÉGIONALES EN ITALIE

2. Mondialisation et immigration :
une politique linguistique à repenser ?
En Italie, la protection des minorités linguistiques a évolué assez lentement et, à présent, on ne saurait dire - on est même très loin de pouvoir
le dire - que le système est complet. Si des défauts persistent pour ce qui
est des minorités historiques, ce sont surtout les changements de la société
italienne, intervenus au cours de ces dernières décennies, qui imposent peutêtre de repenser la politique linguistique, de manière à ne plus se limiter à
une mise en œuvre de l'article 6 de la Constitution, mais aussi à envisager
une mise à jour de sa portée. Deux processus, que les Constituants ne
pouvaient évidemment pas prendre en considération, ont un impact décisif
à ce propos : l'immigration et la mondialisation.
Lorsque la Constitution fut rédigée, l'Italie était un pays d'émigration :
la pauvreté de maints territoires conduisait les citoyens à émigrer, d'où le
souci primordial pour les Constituants de protéger, autant que possible, les
ressortissants italiens à l'étranger (article 35, alinéa 4, de la Constitution).
L'immigration n'était pas prise en considération pour la simple et bonne
raison qu'un flux de personne entrant sur le territoire d'un pays pauvre
qui nécessitait une reconstruction profonde n'était pas envisageable. Le
développement économique de l'après-guerre ayant permis à l'Italie de
devenir un pays relativement riche, à partir des années 1980 et, surtout,
des années 1990, le taux d'immigration est devenu significatif. Au fur et
à mesure que le nombre d'étrangers séjournant sur le territoire grandissait, leurs cultures et leurs langues d'origines devenaient des éléments bien
présents dans la société italienne. Or, ces « nouvelles minorités » ne peuvent
pas figurer parmi les « minorités historiques » auxquelles la loi n° 482 de
1999 fait référence. Toutefois, on peut se demander si cette exclusion a priori
est réellement justifiée, ne fût-ce que parce que l'article 6 de la Constitution
ne considère pas le caractère historique comme fondement de la protection des minorités. S'il est vrai que les Constituants, en rédigeant l'article,
entendaient protéger les minorités historiques, il est vrai aussi que rien
n'exclut que, s'ils avaient pu connaître l'évolution de la société, ils auraient
étendu la protection à toutes les minorités linguistiques. Autrement dit, si
une interprétation « historique » de l'article 6 conduisait à une délimitation
des communautés à protéger, une interprétation « évolutive » arriverait,
vraisemblablement, à des résultats très différents23.

23. Sur ce point, voir, en particulier, R. Medda-Windischer, Nuove minoranze.
Immigrazione tra diversità culturale e coesione sociale, Padoue, Cedam, 2010 ; M. Cosulich,
« Lingue straniere e lingue minoritarie nell'ordinamento repubblicano », Quaderni regionali,
2012, p. 133 et s. ; C. Galbersanini, « La tutela delle nuove minoranze linguistiche: un

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