Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 183

PHILIPPE MARTEL

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diatribes publiques car il peut faire bien mieux : il lui suffit de ne pas publier
de vraie circulaire d'application à la loi Deixonne.
En tout état de cause, cette loi n'a rien de bien révolutionnaire. Elle
identifie quatre langues dignes de bénéficier de ses dispositions, basque,
breton, catalan, et « langue occitane », une dénomination jusque-là inédite,
remplaçant le « provençal » de Carcopino pour bien marquer que malgré
de nombreuses réticences à la Chambre et au Conseil supérieur de l'Éducation nationale, c'est l'ensemble de l'aire d'oc qui est concernée, et pas
seulement la langue de Mistral. La loi ouvre la possibilité d'un enseignement
facultatif, en dehors là encore des heures de classe, dans le primaire comme
dans le secondaire. Est également créée, malgré les résistances de l'appareil,
une épreuve facultative au baccalauréat sur le modèle de ce qui existe déjà
pour des dizaines de langues : mais si pour ces langues les points obtenus
au-dessus de 10 comptent pour l'admission, pour les langues « locales », ils
ne permettent que l'obtention d'une « mention autre que passable ». Le texte
prévoit aussi des chaires dans l'enseignement supérieur pour les langues
concernées - mais elles y étaient déjà présentes ; et il évoque une formation des maîtres dans les écoles normales « dans la mesure du possible ».
En réalité, sauf dans les cas rarissimes où une école normale compte dans
son personnel enseignant un professeur disposé à assurer cette formation,
c'est dans la pratique les associations culturelles des diverses langues qui
vont devoir organiser des stages de formation en dehors du temps scolaire,
payants pour les stagiaires et bien entendu sans rémunération pour les
formateurs. Dans ces conditions, c'est une sorte de miracle qu'il y ait eu
des enseignants pour donner des cours de langue régionale, et des enseignés
pour accepter de les suivre. Ce qui peut expliquer ce miracle, c'est la montée
en puissance de ces associations culturelles, l'Institut d'Études Occitanes
pour l'occitan, concurremment avec le vieux Félibrige, qui consacrent une
partie de leurs efforts à l'enseignement, avec leurs stages, en le dotant des
outils nécessaires (manuels, revues pédagogiques), et en menant une politique de lobbying en direction des élus comme du ministère, politique
concertée, dès les débats des années 1949-1951, entre représentants des
diverses langues concernées. Toutes choses qui n'existaient pratiquement
pas avant la guerre.
Malgré cela, il faut attendre 1958 pour voir déposées deux nouvelles
propositions de loi visant à améliorer la loi Deixonne, une venue du MRP,
l'autre de la SFIO. Mais leur parcours est brutalement interrompu par la
fin de la IVe République.
C'est sous la suivante que vont intervenir de façon très progressive, et
sur une soixantaine d'années, les modifications qui aboutissent au statut
actuel de l'enseignement de l'occitan et des autres langues régionales.
Quelques remarques sur ces modifications.
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