Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 214

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PETITE HISTOIRE DU LANGAGE JURIDIQUE BASQUE

tout au long des xviie et xviiie siècles. On apprend ainsi que le secrétaire
d'Urruña s'est rendu plusieurs fois à la ville de Fontarabie en euskara en
1616, Gabriel Detchart, disant qu'il se sent chanceux d'être capable d'écrire
à son homologue, Miguel Rosi, en basque, leur commun « langage naturel »,
car s'ils devaient utiliser le français ou l'espagnol, ils ne se comprendraient
pas19 : « Jauna ceren çuc ezpaituçu fraincez lengoageric endelgatzen, eta nic
ezpaitaquit escribatzen espagnolez, haren causaz heuscaraz escribaturen dut
guthun hau, esperançaz plazer harturen duçula goure lengoage naturalaz. »
Il s'agit de l'un des premiers exemples de textes administratifs rédigés en
euskara. L'effort fait pour traduire les formules bureaucratiques de l'administration française en basque est évident dans ces messages. Il est à noter
la différence de style entre les municipalités des deux côtés de la frontière :
alors que le style littéraire du basque du Pays de Labourd avait atteint un
niveau extraordinaire, la péninsule ne disposait pas des mêmes ressources
linguistiques.
Cette situation va changer radicalement au cours des trois années suivant
la Révolution française, jusqu'en 1792. Le 14 janvier 1790, l'Assemblée
nationale adoptera un décret par lequel il est ordonné que les textes officiels soient traduits dans les langues vernaculaires. Pendant quelques mois,
les textes administratifs rédigés en euskara vont proliférer grâce à cette
décision. Pourtant, dès le début, les appels se multiplient pour utiliser le
français au détriment des autres langues, comme en témoignent les thèses
bien connues de l'abbé Grégoire. Par ailleurs, les politiques linguistiques
favorisant le français, les sources juridiques basques d'Iparralde s'éteignent.
On parvient ainsi à une nouvelle situation où le droit français sera le seul
valable dans le monde administratif et juridique des trois anciens territoires
basques ; pour autant, comme en témoigne Lafourcade, le droit de ces
territoires a été maintenu par le biais de pratiques coutumières privées20.

V - L'ÉVOLUTION DE LA LANGUE JURIDIQUE
AU PAYS BASQUE PÉNINSULAIRE
En ce qui concerne les provinces de Alava, Bizkaia et Gipuzkoa, l'abolition des Fores à partir du xviiie provoquera une crise sociale profonde.
19. M. rica esnaola, « Traduction en basque de termes politiques sous la révolution »,
Anuario del Seminario de Filología Vasca Julio de Urquijo: International journal of basque
linguistics and philology, vol. 9, nº 1, 1975, p. 3-172.
20. M. lafourcade, « Le droit basque et sa survivance », Azpilcueta : cuadernos de derecho,
nº 13, 1998 (Ejemplar dedicado a: La práctica actual del Derecho Consuetudinario en Euskal
Herria), p. 97-102.

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