Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 244

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LES LANGUES MINORÉES ET L'EUROPE

point de vue normatif et retenues chacune comme l'une des trente-cinq
actions requises au minimum.
Au sein même des paragraphes ou alinéas, on peut constater l'ambiguïté
considérable de la terminologie de la Charte à travers les mots comme
« encourager et/ou faciliter ». Ils suscitent bien des questions, notamment
sur les modalités de l'encouragement et/ou de la facilitation. Elles ne sont
jamais déclinées. Dès lors, comment savoir ce qui relève de l'encouragement ? Comment savoir si l'État contractant répond à ces obligations
de facilitation ? De plus, le texte évoque à plusieurs reprises la condition
suivante : « si le nombre de locuteurs d'une langue régionale ou minoritaire
le justifie. » Or, la France, notamment, n'a jamais procédé à un recensement
précis des locuteurs des langues minoritaires. Les auteurs de la Charte ne
prennent pas le risque de préciser, même approximativement, quel pourrait
être ce nombre.
Ces différents exemples témoignent de la grande liberté laissée après
la ratification aux États pour appliquer à leur guise tel ou tel alinéa selon
qu'ils estiment la situation adéquate ou non. Si ce n'est pas à l'État qu'est
offerte la possibilité d'apprécier la réalisation de telle application, c'est à
une seule personne dont la fonction est considérée suffisante pour le faire :
le juge par exemple dans le cas de la justice.
À l'article 9 par exemple, relatif au domaine judiciaire, certainement
l'un des plus controversés de la Charte, il est précisé : « Les Parties s'engagent, en ce qui concerne les circonscriptions des autorités judiciaires dans
lesquelles réside un nombre de personnes pratiquant les langues régionales ou minoritaires qui justifie les mesures spécifiées ci-après, selon la
situation de chacune de ces langues et à la condition que l'utilisation des
possibilités offertes par le présent paragraphe ne soit pas considérée par le
juge comme faisant obstacle à la bonne administration de la justice, [...]
à [...] » (CE 1992a). Le paragraphe redouble de précautions restrictives
qui tempèrent, pour reprendre le mot employé à ce sujet par Carcassonne
(1998 : § 110), l'apparente fermeté des engagements proposés par la suite.
C'est avec la même ambiguïté que l'article 10 (Autorités administratives et services publics) est rédigé. De nouveau, la référence au nombre
de locuteurs improbable et hypothétique est invoquée. De plus, les paragraphes qui coiffent les différents alinéas se terminent par « dans la mesure
où cela est raisonnablement possible », ce qui est pour le moins équivoque.
Quels sont les critères pour dire si cela est possible ou non et si cela l'est
« raisonnablement » ?
L'article 10 fait référence à l'emploi des LRM dans l'administration.
Toujours si le nombre de locuteurs le permet, les parties s'engagent au
paragraphe 2, alinéa e. à permettre et/ou à encourager : « L'emploi par les
collectivités régionales des langues régionales ou minoritaires dans les

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