Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 294

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LES LANGUES, MIROIR DES FIGURES DE L'ÉTAT

l'enseignement de celles-ci. Par conséquent, dans ce domaine34, les États
doivent non seulement autoriser l'utilisation des langues régionales ou
minoritaires mais ils doivent également adopter d'autres mesures afin de
rendre possible cette prestation.
Deuxièmement, la Charte exige l'adoption d'actes étatiques qui
visent à inciter le comportement linguistique des individus. Il peut s'agir
d'actes qui entendent inciter le choix des locuteurs sur un plan psychosymbolique. Ces mesures traduisent une reconnaissance symbolique de
la part de l'État de l'existence des langues régionales ou minoritaires.
Entrent dans cette catégorie d'actes, ceux qui portent sur l'existence d'une
toponymie bilingue. Ainsi, en Hongrie, les noms de rues ou encore les
dénominations géographiques officielles font également l'objet d'une signalétique dans ces langues35.
Les actes incitatifs peuvent également porter sur le financement de l'emploi des langues régionales36 ou ils peuvent consister dans l'information
des locuteurs des droits linguistiques dont ils bénéficient. Par exemple,
nous pouvons évoquer l'interprétation de l'article 9 de la Charte relatif à
l'emploi des langues régionales dans le domaine de la justice, en Croatie.
Cet État précise qu'en 2009 un appel d'offres a été organisé par le ministère de la Justice pour la création d'une affiche promotionnelle visant à
encourager l'utilisation des langues et alphabets des minorités nationales
devant les autorités judiciaires ; ces affiches ont été par la suite distribuées
dans les tribunaux concernés. De même, plusieurs milliers de brochures
portant sur l'utilisation des langues minoritaires devant les autorités judiciaires furent distribués37.
À travers ces différentes mesures exigées, la Charte met en place le
cadre d'une politique publique linguistique dans lequel l'action des États en
faveur des langues régionales doit s'inscrire. Ce faisant, les États endossent
la forme d'un État propulsif : un État qui ne reste pas indifférent aux
langues régionales mais bien un État qui propulse utilisation de cellesci. Cependant, la Charte ne met en place que le cadre de cette politique
publique. Elle n'implique pas une uniformité des actes adoptés en vue de

34. En ce qui concerne l'emploi des langues régionales dans les rapports des locuteurs avec
les autorités administratives, voir Rapport CE Espagne, 3e cycle de suivi, § 837.
35. Rapport Hongrie, 2e cycle de suivi, p. 53.
36. À titre d'illustration, en ce qui concerne les écoles privées danoises présentes dans le
Land de Schleswig Holstein, les autorités évoquent deux législations portant sur le financement de ces écoles et par conséquent, sur le financement de l'utilisation autorisée du
danois, langue régionale, dans le domaine de l'enseignement (voir Rapport CE Allemagne,
3e cycle de suivi, § 72).
37. Rapport Croatie, 5e cycle de suivi, p. 54.

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