Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 84

76

LES PRATIQUES LINGUISTIQUES OUTRE-MER

décision du 20 mai 2011 Mme Cécile L. et autres19, le Conseil constitutionnel a considéré que « cet article n'institue pas un droit ou une liberté
que la Constitution garantit20 ». Il dit ce qu'il ne permet pas mais ne fait
pas la lumière sur ce qu'il permet.
Insuffisantes, les dispositions générales applicables aux langues d'outremer sont aussi, et c'est plus fâcheux, contre-productives.
Contre-productives, avec l'exemple parlant de la Polynésie française.
Le tahitien s'écrit depuis le début du xixe siècle, les missionnaires anglais
ayant dû le transcrire pour traduire la Bible. Sous le régime du protectorat
français, de 1842 à 1880, l'enseignement est bilingue tahitien-français. En
Polynésie française, « les langues polynésiennes sont couramment pratiquées, (...) enseignées à l'école, utilisées dans les conseils municipaux et
à l'assemblée territoriale21 ». De fait, avant même que la question ne soit
traitée par le pouvoir central, le conseil de gouvernement de la Polynésie
française avait proclamé, dans une décision du 28 novembre 198022, que
« la langue tahitienne23 est, conjointement avec la langue française, langue
officielle du territoire de la Polynésie française ». Cette décision, signée par
le haut-commissaire de la République24, ne faisait qu'acter les pratiques
linguistiques locales. C'est ainsi que, de 1980 à 1996, « la Polynésie bénéficiera de deux langues officielles sans inconvénients majeurs ni pour le
développement des deux langues, bien au contraire, ni pour l'unité de la
République25 ».

19. Décision n° 2011-130 QPC, Rec., p. 242.
20. Confirmé par le Conseil d'État dans une décision du 28 décembre 2016 (refus de
transmettre une QPC).
21. J.-Y. faberon, « Indivisibilité de la République et diversité linguistique du peuple
français : la place des langues polynésiennes dans le nouveau statut de la Polynésie française », RFDC, 1996, p. 610.
22. Décision n° 2036 donnant à la langue tahitienne qualité de langue officielle du territoire de la Polynésie française, figurant en annexe in R. rouquette, Le régime juridique
des langues en France, op. cit., p. 625.
23. Selon Mme Louise Peltzer, ancienne ministre de la Culture en Polynésie française, « le
tahitien est la langue du peuple autochtone de l'archipel des îles de la Société dont Tahiti est
l'île principale. Elle est aussi la langue véhiculaire pour l'ensemble de la Polynésie française
qui comprend plus d'une centaine d'îles dispersées sur une surface du Pacifique oriental
grande comme l'Europe ». L. peltzer, « Le tahitien, langue régionale de France ? », in
C. clairis, D. costaouec et J.-B. coyos (coord.), Langues et cultures régionales de France,
état des lieux, enseignement, politiques, Paris, L'Harmattan, coll. « Logiques sociales »,
1999, p. 191.
24. Il s'agissait alors de Paul Cousseran.
25. L. peltzer, « La Polynésie française », in P. de deckker et J.-Y. faberon (dir.), L'État
pluriculturel et les droits aux différences, Colloque organisé à Nouméa du 3 au 5 juillet 2002,
Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 206.
Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe

Table des matières de la publication Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe
