L'expert - Le statut des baux commerciaux - 1re - 124

TEXTE DU CODE
DE COMMERCE
Défaut
d'information -
Sanction

Article L. 145-16-1 (suite)

ANNOTATIONS ET JURISPRUDENCE
La loi ne prévoit pas de sanction expresse en cas de défaut d'information du
cédant, et le juge du fond apprécie les conséquences qu'il convient de tirer
du manquement allégué (CA Lyon, 3 avr. 2018, n° 17/04807, Gaz. Pal. Rec.,
17 juill. 2018, pan., p. 70, obs. S. Chastagnier), en appréciant au cas par cas
le préjudice, les circonstances aggravantes ou les pertes de chance imputables
au défaut d'information. La garantie du cédant pourra ne pas jouer en cas de
négligence fautive du bailleur lorsqu'il laisse s'accumuler la dette sans agir, le
cédant n'ayant pas à supporter la faute du bailleur qui bénéficie d'une clause
résolutoire (CA Douai, 20 sept. 2018, n° 18/00097, Gaz. Pal., 20 nov. 2018,
pan., p. 85, obs. S. Chastagnier).

Ordre public

Ces nouvelles dispositions ne sont pas expressément impératives, n'étant pas
visées dans l'énumération de l'article L. 145-15 relatif aux dispositions d'ordre
public du statut, mais il s'agit de l'application d'une règle préexistante, à savoir
l'obligation générale d'information entre cocontractants.
Même lorsque le caractère d'ordre public ne résulte pas d'une disposition
expresse de la loi, il peut être retenu par le juge si celui-ci estime que la règle
considérée est particulièrement importante pour le bon ordre social, de telle
sorte que la Cour de cassation pourrait à terme (comme elle a déjà pu le faire
pour l'article L. 145-7-1 : Cass. 3e civ., 9 févr. 2017, n° 16-10350, AJDI 2017,
p. 432 ; pour l'article L. 145-46-1 : Cass. 3e civ., 28 juin 2018, n° 17-14605,
Loyers et copr.  2018, comm.  201 ; Gaz. Pal., 20 nov. 2018, p. 61 ; pour
l'article L. 145-16-2 : Cass. 3e civ., 11 avr. 2019, n° 18-16121, Administrer,
juin 2019, note J.-D. Barbier, Gaz. Pal., 16 juill. 2019, p. 61, note C.-E. Brault)
ériger l'article L. 145-16-1 comme relevant de l'ordre public.

Application
dans le temps

En vertu du principe de non-rétroactivité de la loi, les dispositions de l'article L. 145-16-1 du Code de commerce ne sont pas applicables dès lors que
la carence imputée aux bailleurs porte sur des loyers impayés en 2013, soit
avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 (CA Douai,
30 mars 2017, n° 16/01367, AJDI 2017, p. 673).

Durée limitée
de la garantie
solidaire à
trois ans

Article L. 145-16-2 - Si la cession du bail commercial s'accompagne d'une clause de
garantie du cédant au bénéfice
du bailleur, celui-ci ne peut l'invoquer que durant trois ans à
compter de la cession dudit bail.

Ordre public

Pour les mêmes motifs que ceux évoqués à propos de l'article L. 145-16-1,
le législateur, par ce nouveau texte, limite à trois ans la garantie due par le
cédant (C.-E. Brault et M.-L. Sainturat, « Les dispositions relatives au transfert
de la propriété du bail et de l'immeuble », Loyers et copr., sept. 2014, Doss.
n° 5 ; A. Jacquin, « Loi du 18 juin 2014 : les cessions et garanties en cas de
cession », Gaz. Pal., 8 août 2014, p. 39).
Passé le délai de trois ans à compter de la cession du bail, le cédant ne peut
plus être recherché.
Ce délai de trois ans court « à compter de la cession du bail ». Il conviendra
de définir le point de départ de ce délai de trois ans. Faut-il entendre la date
de signature de l'acte de cession ou la date d'effet de celle-ci ? Il s'agit sans
doute de la date de signature de l'acte de cession, même lorsque celui-ci fait
suite à une promesse. Mais la cession ne devient opposable au bailleur que
si celui-ci intervient à l'acte, ou si une signification conforme à l'article 1690
du Code civil lui est adressée. Le délai va-t‑il courir seulement à compter de
la signification de la cession au bailleur ? La jurisprudence ne s'est pas encore
prononcée mais il paraît difficile de faire partir un délai à l'encontre d'une
personne qui n'a pas connaissance du fait générateur. Par ailleurs, lorsqu'une
cession est consentie sous conditions suspensives, et que celles-ci sont réalisées après un délai qui peut être assez long, elles rétroagissent, la date de la
cession étant réputée être celle de l'acte initial Le délai de trois ans va-t‑il ainsi
partir rétroactivement ? Le texte visant seulement « la cession du bail », sans
préciser s'il faut prendre en compte la date de la cession, ou de la signification
de la cession, ou de la réitération de la cession. Les juges disposent donc d'une
assez large faculté d'interprétation et d'adaptation du texte.
Alors que le caractère d'ordre public de ce texte ne résulte pas d'une disposition expresse de la loi, la Cour de cassation a retenu par un arrêt du 11 avr.
2019 « que l'article L. 145-16-2 du Code de commerce, qui revêt un caractère
d'ordre public, ne répond pas à un motif impérieux d'intérêt général justifiant
son applicable immédiate » (Cass. 3e civ. 11 avr. 2019, n° 18-16121, Gaz.
Pal., 16 juill. 2019, p. 61, note C.-E. Brault, Administrer, juin 2019, note
J.-D. Barbier).

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