L'expert - Le statut des baux commerciaux - 1re - 196

TEXTE DU CODE
DE COMMERCE
Appréciation in
concreto

Article L. 145-34 (suite)

ANNOTATIONS ET JURISPRUDENCE
Selon certaines décisions, l'incidence de la modification sur le commerce
effectivement exercé devait s'apprécier objectivement (CA Paris, 29 mars 1994,
Loyers et copr. 1994, n° 295 - CA Versailles, 20 nov. 1997, JCP E 1998, p. 346).
Mais la Cour de cassation a décidé que l'appréciation doit se faire in concreto
(Cass. 3e civ., 2 oct. 2007, n° 06-17780, Gaz. Pal. Rec., 29 déc. 2007, som.,
p. 20, note C.-E. Brault). Ainsi, alors même qu'une amélioration des facteurs
locaux de commercialité était établie, la Cour de cassation a reproché à une
cour d'appel d'avoir déplafonné au motif que les modifications profitaient
aux restaurants en général, sans vérifier si elles profitaient concrètement au
restaurant du locataire considéré, en particulier (Cass. 3e civ., 30 juin 2004,
n° 03-10754, Loyers et copr. 2004, n° 147, note P.-H. Brault). De même, la
transformation d'une rue en rue piétonne, la création d'un parc de stationnement et la construction de nouveaux immeubles, bien que constituant une
modification des facteurs locaux de commercialité par elle-même notable ne
justifie pas un déplafonnement s'il n'en est pas résulté un intérêt pour l'activité
exercée dans les lieux par le preneur (Cass. 3e civ., 7 avr. 2004, n° 02-17946,
Gaz. Pal. Rec. 2004, somm. p. 5229, note C.-E. Brault - Loyers et copr. 2004,
n° 130, note P.-H. Brault).
Ainsi, n'est pas un motif de déplafonnement une augmentation de 40 % de la
population locale pour un commerce qui ne s'adresse pas à cette population
locale (CA Versailles, 21 oct. 1983, Gaz. Pal. Rec. 1984, 2, som., p. 349), la
rénovation d'un quartier ou des constructions nouvelles sans intérêt pour un
commerce d'import-export (CA Paris, 8 oct. 1991, D. 1991, I.R. 290), le développement du tourisme aux sports d'hivers pour une scierie (Cass. 3e civ., 4 mars
1987, Gaz. Pal. Rec. 1987, 1, pan., p. 117 ; Bull. civ. III, n° 39), ou la création
du Centre Beaubourg pour un commerce qui n'est pas lié à la population du
quartier ni aux chalands (Cass. 3e civ., 22 mars 1989, Loyers 1989, p. 287), tel
un dépôt (CA Paris, 26 juin 1990, Gaz. Pal. Rec. 1990, 2, som., p. 588, note
P.-H. Brault), des modifications pour un commerce d'art qui n'attire ni la clientèle locale, ni celle des touristes, dans un quartier qui a toujours été spécialisé
dans les objets d'arts recherchés par des amateurs aisés (Cass. 3e civ., 27 mai
2003, Gaz. Pal. Rec. 2003, n° 02-11666, som., p. 3174, note J.-D. Barbier), une
population au pouvoir d'achat plus important pour une petite librairie traditionnelle (CA Paris, 19 janv. 2001, Loyers et copr. 2001, n° 66, note P.-H. Brault).
À la différence de ce qui est exigé pour déplafonner en révision, la modification
ne doit pas nécessairement être matérielle (CA Paris, 23 nov. 1993, Loyers et
copr. 1994, n° 117).
La modification des facteurs locaux de commercialité relève de l'appréciation
souveraine des juges du fond (Cass. 3e civ., 1er févr. 1989, Loyers et copr. 1989,
n° 190 - Cass. 3e civ., 10 janv. 1995, Loyers et copr. 1995, n° 166 - Cass.
3e civ., 17 nov. 1998, arrêt n° 1668 D). Mais la Cour de cassation contrôle la
recherche, par les juges du fond, de l'incidence des modifications alléguées
sur les activités du preneur (Cass. 3e civ., 4 mars 1987, Gaz. Pal. Rec. 1987, 1,
pan., p. 117 - Cass. 3e civ., 24 nov. 1993, Rev. loyers 1994 p. 151).

Expertise privée

Pour apprécier l'évolution des facteurs locaux de commercialité, lorsqu'un
rapport d'expertise privé est produit, les juges du fond ont l'obligation de l'examiner (Cass. 3e civ., 26 nov. 1997, n° 96-11546, Gaz. Pal. Rec. 1998, 1, p. 203,
note J.-D. Barbier ; voir aussi Cass. 3e civ., 20 sept. 2005, n° 04-1554, Gaz. Pal.
Rec. 2006, som., p. 1966, note J.-D. Barbier). Les juges ne peuvent pas statuer
seulement au vu d'une expertise non contradictoire compte tenu du principe
de l'égalité des armes (Cass. 3e civ., 3 févr. 2010, n° 09-10631, Administrer,
mars 2010, p. 21, note J.-D. Barbier - Cass. 3e civ., 11 mai 2017, n° 16-14689)
mais la Cour de cassation a approuvé une cour d'appel d'avoir fixé le loyer
sans ordonner une expertise judiciaire contradictoire, mais en se fondant sur
deux autres rapports d'expertise (Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n° 16-26172, Gaz.
Pal., 19 mars 2019, p. 68, note J.-D. Barbier ; Loyers et copr. 2019, comm. 10,
note P.-H. Brault).

Exemples
de cas de
déplafonnement

Le déplafonnement a été retenu dans les cas suivants :
-	 Construction de plus de 1 000 logements occupés par une population aisée,
pour un commerce de cadeaux et linge de maison (pour le 15e arrondissement
de Paris : Cass. 3e civ., 22 janv. 1992, Rev. loyers 1992, p. 208, note JCP).
Construction de 1 104 logements et accroissement de la population active
pour un bar-tabac (Cass. 3e civ., 17 avr. 1996, Loyers et copr. 1996, n° 356)

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