Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique - 106

106 SOURCES ET RESSOURCES DE L'INTERPRÉTATION JURIDIQUE
documents sur lesquels les États auraient pu formuler des réserves ou des observations.
En
sens inverse, on trouve dans les commentaires de 2017 relatifs à certaines
mesures liées au plan BEPS des éléments qui ne figuraient pas dans les rapports
de 2015. C'est le cas, notamment, d'un certain nombre d'exemples censés illustrer
le fonctionnement de la clause générale anti-abus désormais insérée à l'article
29 du modèle (42). Il n'y a donc pas de relation bijective entre l'ensemble des
rapports de 2015 et l'ensemble des nouveautés de 2017.
En outre, on n'oubliera pas que le « matériau » du plan BEPS ne se limite pas
aux rapports finaux de 2015 : il inclut d'autres publications émanant notamment
de l'ONU (43) ou de la Plateforme pour la collaboration en matière fiscale (Platform
for Collaboration on Tax) qui est une initiative conjointe du FMI, de
l'OCDE, de l'ONU et de la Banque mondiale (44). Or, le contenu des positions
prises dans le cadre de ces documents ne converge pas nécessairement toujours
avec la doctrine officielle du Comité des affaires fiscales de l'OCDE (45).
Par conséquent, le choix du « matériau BEPS » pertinent pour l'interprétation
des conventions est susceptible de varier selon la date de conclusion ou de modification
de la convention bilatérale concernée, la date et l'organisation internationale
à l'origine du document servant de référence à l'interprétation, et l'État avec
lequel est conclue la convention bilatérale dont l'interprétation est en cause.
Plus généralement, il apparaît que si les moyens d'une interprétation historique
des conventions fiscales se sont considérablement diversifiés à l'époque
contemporaine, ces moyens n'en restent pas moins d'une utilisation très délicate.
Poursuivons notre survol du domaine de l'interprétation historique en nous
intéressant au droit de l'Union européenne.
§3. - L'interprétation historique du droit de l'Union européenne
116. La méthode d'interprétation du droit de l'Union européenne s'est pendant
longtemps peu tournée vers la recherche historique en raison de la faible
importance accordée par la CJUE aux travaux préparatoires. Cette situation a toutefois
beaucoup évolué (A) et continuera de le faire car le droit de l'Union est de
moins en moins autonome et se présente de plus en plus (en matière fiscale)
comme un droit « de suivi » des travaux entrepris par l'OCDE et le Cadre inclusif
42. V. sur ce point l'article précité de J. Hattingh, « The Relevance of BEPS Materials for Tax Treaty Interpretation
», Bull. IBFD 2020, vol. 74, nº 4/5, spéc. § 4.2.2., qui montre bien que ces nouveaux exemples sèment
plus le doute qu'ils ne clarifient la portée exacte de l'article 29 du modèle OCDE.
43. Le comité des Experts sur la Coopération internationale en matière fiscale de l'ONU a formé un souscomité
BEPS en octobre 2013. Ce sous-comité a publié de nombreux documents en lien avec le plan BEPS.
44. V. par ex. le « Toolkit to help developing countries tackle the complex issues around taxing offshore
indirect transfers of assets » publié le 4juin (https://bit.ly/3WIoYoC).
45. J. Hattingh souligne ainsi que l'interprétation du concept de bénéficiaire effectif dans le document publié
par le comité de l'ONU (Update of the UN Model Taxation Convention between Developed and Developing
Countries - Beneficial Owership, 2 avr. 2019, document E/C. 19/2019.CRP10, https://bit.ly/3GdKevr), retenant
une interprétation stricte du concept, pourrait ne pas être compatible avec celle préconisée par le Comité des
affaires fiscales dans son propre commentaire (« The Relevance of BEPS Materials for Tax Treaty Interpretation
», Bull. IBFD 2020, vol. 74, nº 4/5, note 46).

https://www.bit.ly/3WIoYoC https://www.bit.ly/3GdKevr

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