Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique - 121

L'INTENTION
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législateur. L'interprétation téléologique est donc au cœur de la théorie de l'abus
de droit (1). Nous verrons toutefois que même en dehors de ce contexte particulier,
l'interprétation téléologique trouve fréquemment à s'appliquer (2).
1) L'interprétation téléologique dans le contexte de l'abus de droit
143. Le « contexte de l'abus de droit » s'entend, dans les développements qui
suivent, comme visant deux situations distinctes. La première est celle où l'administration
considère qu'un contribuable a fait une application littérale d'un texte
quelconque en contrariété avec les objectifs poursuivis par ses auteurs. La définition
de l'abus de droit par fraude à la loi comporte donc une dimension téléologique
(a). La seconde est celle dans laquelle la règle applicable est elle-même une
règle spéciale anti-abus, en ce sens qu'elle a été conçue pour neutraliser les effets
fiscaux jugés excessivement favorables au contribuable d'une configuration de
fait donnée. Dans ce cas aussi, il est de l'essence de ce type de règle d'être interprétée
de façon téléologique (b).
a) Interprétation téléologique et définition de l'abus de droit
144. La nécessité d'une définition légale de l'abus de droit ne va pas de soi.
Ne pourrait-on pas, après tout, faire de chaque texte une interprétation
« anti-abus » (93) et en écarter l'application lorsqu'il apparaît que l'objectif du
texte est détourné par le contribuable ? La réponse nous paraît négative. En
effet, une interprétation de la loi éclairée par l'objectif de lutte contre l'abus
n'est possible que si le texte est ambigu. Elle est tuée dans l'œuf, conformément
à la jurisprudence Commune de Houdan, lorsque le texte est clair. Il faut donc,
pour écarter un texte clair au nom de l'interprétation téléologique, une disposition
spécifique. Il faut en quelque sorte que le législateur permette explicitement à la
méthode téléologique de « prendre sa revanche » sur la jurisprudence Commune
de Houdan.
145. Le législateur français a fait le choix de définir l'abus de droit et d'encadrer
par ce moyen l'activité de l'administration et du juge. L'abus de droit connaît
d'ailleurs une multitude de définitions dont certaines font explicitement référence
àl'objectif poursuivi par l'auteur de la norme. L'article L. 64 du Livre des procédures
fiscales énonce que l'administration est en droit d'écarter certains actes
lorsque, « recherchant le bénéfice d'une application littérale de textes ou de décisions
à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés
par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales
que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement
supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ». L'article L. 64
A du même Livre retient une formule quasi-identique, à la différence près qu'il
s'applique si les actes ont eu « pour motif principal » d'éluder ou d'atténuer l'impôt.
Quant à l'article 205 A du CGI, il énonce qu'«il n'est pas tenu compte d'un
93. Nous empruntons à Francesco Tesauro la notion d'« interpretazione anti-elusiva » (Istituzioni di diritto
tributario, vol. 1, Parte generale,14e éd., mis à jour par M. C. Fregni, N. Sartori et A. Turchi, Utet, 2020, p. 48).

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