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128 SOURCES ET RESSOURCES DE L'INTERPRÉTATION JURIDIQUE
Sté Ingram Micro (115) (et confirmée par des décisions ultérieures (116)) qui
conduit à contracter les deux critères de l'abus de droit (le but essentiellement
fiscal et la contrariété aux objectifs poursuivis par les auteurs des textes) lorsqu'est
en cause un montage artificiel dépourvu de toute substance.
C'est ainsi que l'existence d'un tel montage permettrait d'établir, non seulement
que le contribuable n'a pas eu d'autre but que de faire échapper une opération
à la loi fiscale, mais aussi que les objectifs des auteurs des textes ont été
offensés puisque ces derniers ne peuvent pas avoir eu pour objectif d'appliquer
une règle donnée à une situation procédant d'un tel montage. Comme l'indiquait
le rapporteur public dans ses conclusions sous l'affaire Verdannet, le montage
« révèle aussi par lui-même la méconnaissance de l'intention des auteurs du
texte », lesquels « ont nécessairement voulu appréhender une substance et non
pas un artifice ».
On le voit, en présence d'un montage artificiel, l'interprétation téléologique se
désintéresse des objectifs positifs réellement poursuivis par le législateur. Elle
procède d'un objectif négatif supposé de façon générale : celui que nul auteur
d'une norme n'entend faire produire l'effet juridique attaché à ladite norme
lorsque la prémisse factuelle est artificiellement mise en place par le contribuable.
154. C'est ce raisonnement qui a permis au Conseil d'État de faire évoluer sa
jurisprudence sur l'abus de la doctrine administrative sans remettre frontalement
en cause la force attachée au principe d'opposabilité de la doctrine énoncé à l'article
L. 80 A du LPF. La problématique est connue : confronté à la question de
savoir si l'administration pouvait reprocher à un contribuable d'avoir abusé d'une
tolérance administrative, le Conseil d'État a répondu par la négative dans un célèbre
avis du 8 avril 1998 (117). La solution s'expliquait notamment par le fait que
la doctrine administrative « n'a pas d'esprit » (118) ; il est donc impossible de
rechercher « les objectifs des auteurs » de la doctrine administrative, et ce d'autant
plus qu'ils ne peuvent être connus avec certitude par quiconque.
Toutefois, dès l'instant que l'existence d'un montage artificiel rend indifférents
les objectifs réels des auteurs des textes et aboutit au fond à empêcher l'application
de la règle dont le contribuable revendique les effets, l'ignorance des
motifs ayant conduit l'administration fiscale à énoncer une tolérance doctrinale
n'est plus un obstacle à l'application de la théorie de l'abus de droit. Même la
règle de l'opposabilité de la doctrine administrative peut donc être paralysée
lorsque la situation qui justifie son application est entachée d'artificialité. C'est
115. CE, 3e-8e ch. réunies, 19juill. 2017, nº 408227, RJF 11/17, nº 1120.
116. CE, 9e-10e ch. réunies, 3 déc. 2018, nº 406617, Société Manpower France Holding ; CE, 9e
-10e ch. réunies,
8 févr. 2019, nº 407641, Dr.fisc. 2019, nº 21, comm. 272, concl. M.-G. Merloz, note P.-Y. Di Malta ;
Dr.fisc. 2019, nº 29, ét. 330, ét. Ch. de la Mardière ; CE, 10e
C. David, O. Fouquet, B. Plagnet et P. F. Racine, no 9 et les références citées.
118. La formule est de J. Turot, « La vraie nature de la garantie contre les changements de doctrine »,
RJF5/92, p. 371. Sur le rejet de principe de l'interprétation téléologique de la doctrine administrative, v. infra,
nº 182 et s.
-9e ch. réunies, 12 févr. 2020, nº 421444 et
nº 421444, Dr.fisc. 2020, nº 10, comm. 180, concl. A. Iljic, note R. Vabres, et l'étude d'A. Périn-Dureau à
Dr.fisc. 2020, nº 19, ét. 235.
117. Avis du 8 avr. 1998, no
192539, Sté de distribution de chaleur de Meudon et d'Orléans ; v. sur cet arrêt
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