Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique - 147

L'INTENTION
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Les développements qui précèdent nous conduisent à considérer qu'au vu de
la structure de l'ordre juridique français, l'extension par analogie de la règle fiscale
doit être écartée, ce qui n'empêche pas le contribuable de faire respecter le
principe d'égalité en recourant à la procédure spécifique de la question prioritaire
de constitutionnalité, et ce qui n'empêche pas davantage le juge de recourir à
l'interprétation extensive lorsqu'il estime qu'un tel procédé est compatible avec
le texte qu'il examine (188).
c) Exemples jurisprudentiels
179. Bien que le juge ne s'interroge explicitement que rarement sur la question
de l'applicabilité du raisonnement par analogie, on peut trouver un confort à
notre analyse dans une affaire jugée par le Conseil d'État (189) qui fait figure de
cas d'école pour distinguer interprétation extensive et extension par analogie du
champ d'un texte fiscal. Au cas particulier, une société avait souscrit un contrat
de prêt subordonné à durée indéterminée (PSDI) auprès d'un établissement bancaire.
Cette convention de prêt prévoyait qu'une partie de la somme prêtée était
immédiatement investie en obligations zéro-coupon pour être confiée à des trusts
situés dans des pays à fiscalité privilégiée, contrôlés par la société, à charge pour
ces trusts de rembourser ce prêt à sa valeur nominale, à l'échéance principale de
quinze ans, au moyen de cette somme augmentée des intérêts capitalisés en franchise
d'impôt. L'administration estimait pouvoir imposer les produits des placements
dans les trusts en recourant à l'article 238 bis-0 I bis du CGI, lequel admettait
effectivement cette imposition en présence d'émission de « valeurs mobilières
relevant des dispositions de l'article L. 228-97 du Code de commerce », cette
expression désignant les titres subordonnés à durée indéterminée (TSDI). Elle
estimait en effet qu'un PSDI était assimilable à un TSDI, si bien que les premiers
entraient dans le champ du texte fiscal.
Par cette assimilation, l'administration recourait en réalité à ce que nous avons
appelé plus haut une interprétation extensive de la loi fiscale. Le Conseil d'État
décida pourtant de ne pas suivre ce raisonnement. Il estima que l'article 238 bis0I
bis du CGI ne visait que l'imposition des produits des placements hors de
France de la fraction des fonds reçus à l'occasion de l'émission de « valeurs
mobilières » et que les PSDI ne pouvaient être considérés comme tels. Il refusa
donc de valider l'interprétation extensive du texte fiscal. Il s'abstint également
d'en étendre le champ par analogie.
Les conclusions du rapporteur public sont particulièrement instructives sur le
cheminement intellectuel des juges. Selon ses termes, « la lettre de l'article 238
analogie d'une règle, mais l'extension par analogie du motif d'inconstitutionnalité d'une règle. La décision du
Conseil d'État éclairée par les conclusions du rapporteur public démontre le souci des juges du Palais-Royal
d'éviter un contournement de la procédure de la QPC au moyen du raisonnement par analogie.
188. Pour un exemple illustrant un cas limite entre interprétation extensive et interprétation par analogie,
v. CE, 8e-3e ch. réunies, 22 nov. 2019, nº 423698, SAEM de gestion du Port Vauban, RJF2/20, nº 90, avec les
concl. de K. Ciavaldini au C90 et nos observations supra, nº 32.
189. CE, 3e
-8e ch. réunies, 6juin 2018, nº 403303, min. c/Sté Carrefour SA ; Dr.fisc. 2019, nº 54,
comm. 126, concl. V. Daumas ; v. aussi ce sujet les chroniques de Cl. Acard, Dr.fisc. 2017, nº 5-6, ét. 147 et
Dr.fisc. 2019, nº 4, ét. 120.

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