Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique - 168

168 SOURCES ET RESSOURCES DE L'INTERPRÉTATION JURIDIQUE
Convention fiscale couverte » (260). Cette clause s'applique à l'ensemble des
conventions fiscales couvertes par la convention multilatérale. Elle a par ailleurs
été intégrée à l'article 29 § 9 de la version 2017 du modèle OCDE de convention
fiscale (261).
Lorsqu'une telle clause générale anti-abus existe dans une convention fiscale,
il nous semble résulter de la rédaction de la décision Verdannet, qui réserve
expressément le cas où une convention contient une clause relative à la fraude à
la loi, que l'administration ne peut plus s'appuyer sur la théorie interne de l'abus
de droit (262). Mais cela ne change rien au regard de la nécessité de recourir à
l'interprétation téléologique puisque, comme on vient de le voir, l'application de
la clause dépend du point de savoir si l'octroi de l'avantage conventionnel dans
les circonstances de l'espèce est « conforme à l'objet et au but des dispositions
pertinentes » de la convention.
211. Reste à savoir si, dans le cadre de l'application de cette clause, il existe
une nouveauté ou une spécificité du mode de raisonnement devant être retenu.
On peut s'interroger, tout d'abord, sur le point de savoir comment s'articulent
la règle générale prévue à l'article 29 § 9 du modèle OCDE et les principes généraux
énoncés par la Convention de Vienne. Selon un éminent auteur (263), l'article
29 § 9 du modèle OCDE n'aurait aucune portée méthodologique propre, du
moins par rapport à l'article 31 de la Convention de Vienne ; celui-ci établissant
déjà la nécessité d'un recours à l'interprétation téléologique de l'ensemble des
stipulations conventionnelles, l'article 29 § 9 ne ferait que rappeler aux contribuables,
aux autorités fiscales et aux juges la nécessité d'une telle méthode de raisonnement
lorsque l'octroi d'un avantage fiscal est l'un des objets principaux
d'un montage ou d'une transaction ayant permis de l'obtenir. L'article 29 § 9
n'aurait ainsi qu'une « fonction de signalement » (« signalling function »), mais
ne saurait fournir un fondement autonome pour priver un contribuable d'un avantage
prévu par le texte conventionnel.
Cette thèse paraît discutable. Peut-être parce qu'en tant que juriste français,
nous recherchons dans la règle générale anti-abus elle-même (l'article L. 64 du
Livre des procédures fiscales et ses avatars) le fondement de l'écartement d'un
avantage fiscal, nous ne voyons pas pourquoi il en irait autrement de l'article 29
§ 9 du modèle OCDE. En outre et surtout, il nous semble que l'article 29 § 9 a
une portée plus importante que la simple répétition du principe affirmé à
260. Pour une analyse, v. P. Martin, « Interprétation et application de la clause générale anti-abus de
l'OCDE », Fiscalité internationale 4-2019, 9.3. N. Vergnet, « Abus de conventions fiscales : une tentative
d'exégèse de la " clause PPT " », Dr.fisc. 2018, nº 26, 313 ; V. Chand, « The Principal Purpose Test in the Multilateral
Convention: An In-Depth Analysis », Intertax 2018, vol. 46, Issue 1, p. 18 et s. ; M. Livio Gomes,
« Implementation in Practice of the Principal Purpose Test in the Multilateral Convention », Intertax 2018,
vol. 46, Issue 1, p. 45 et s.
261. Pour l'interprétation de ce texte, voir les commentaires de l'article 29 du modèle OCDE révisés en
2017, notamment les § 169 et s.
262. Pour plus de détails sur l'argumentation, nous nous permettons de renvoyer à notre article intitulé
«L'abus des conventions fiscales », Lexbase, 17janv. 2019, p. 87 et s., N7156BXC.
263. M. Lang, « The Signalling Function of Article 29(9) of the OECD Model - The " Principal Purpose
Test " », Bull.for international taxation, April/May 2020, p. 264 et s.
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