Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique - 171

L'INTENTION
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d'une règle juridique particulière. Elle (...) interprète cette règle dans le contexte
plus général de l'ordre juridique de l'Union européenne et de son " telos constitutionnel "
(...) Ce n'est pas seulement le " telos " des règles à interpréter qui importe
mais aussi le " telos " du contexte juridique dans lequel ces règles existent » (271).
On pourrait résumer cela en disant qu'il y a toujours, en droit de l'Union, un
double niveau d'interprétation : un niveau de base, qui est celui du texte interprété,
et un niveau supérieur, qui est celui du système juridique de l'Union européenne.
Compte
tenu de l'abondance du matériau disponible, il est impossible d'en
restituer ici une vision complète. Nous nous contenterons donc d'exposer les
lignes directrices de la jurisprudence (A) et de souligner que l'interprétation
téléologique du droit de l'Union est enserrée dans certaines contraintes (B).
A. - Les lignes directrices de la jurisprudence de la Cour
215. L'interprétation téléologique se déploie dans tous les secteurs du droit
fiscal européen et pour les besoins de toutes les règles du droit de l'Union, quel
que soit leur niveau dans la hiérarchie des normes.
Ainsi, la Cour recourt à une interprétation téléologique du droit primaire en
général, et des libertés fondamentales en particulier, qui lui permet d'asseoir la
légitimité d'un abondant corpus normatif de source prétorienne. Il n'est pas
excessif d'affirmer que les conséquences fiscales tirées par la Cour des libertés
fondamentales au fil d'une jurisprudence désormais très sophistiquée ne sont, au
fond, que la résultante d'une interprétation téléologique de ces quelques articles
aussi brefs que flous (272).
Rien d'étonnant à cela, d'ailleurs. Contrairement aux directives qui présentent
un haut niveau de technicité, les dispositions des traités sont formulées de façon
beaucoup plus générale et visent parfois explicitement à atteindre des objectifs
donnés. L'Union européenne se justifie elle-même par l'atteinte de certains objectifs
: comme le rappelle l'article 1er
du Traité sur l'Union européenne, « les États
membres attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs ».
L'article 3 du Traité définit les objectifs de l'Union et son paragraphe 6 énonce
qu'elle « poursuit ses objectifs par des moyens appropriés, en fonction des compétences
qui lui sont attribuées dans les traités ». C'est ce qui faisait dire à un
éminent juge de la Cour (bien avant l'apparition de l'Union européenne) que
« les traités instituant les Communautés sont entièrement pétris de
téléologie » (273).
271. M. Poiares Maduro, « Interpreting European Law: Judicial Adjudication in a Context of Constitutional
Pluralism », European Journal of Legal Studies (EJLS), 2008, vol. 1, nº 2 (Working Paper IE Law School,
WPLS 08-02). Le passage cité est traduit par nos soins.
272. Sans préjudice de ce qui sera exposé plus loin lorsque le Traité est clair mais que la Cour estime néanmoins
possible d'en faire une lecture non conforme à sa lettre (v. infra, nº 223 et s.).
273. P. Pescatore, « Les objectifs de la Communauté européenne comme principes d'interprétation dans la
jurisprudence de la cour de justice », in Miscellanea W. J. Ganshof van der Meersch, vol. 2, Bruxelles, 1972,
p. 325 et s. Formule reprise à leur compte par K. Lenaerts et J. A. Gutierrez-Fons, Les méthodes d'interprétation
de la Cour de justice de l'Union européenne..., nº 55.

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