Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique - 194

194 SOURCES ET RESSOURCES DE L'INTERPRÉTATION JURIDIQUE
dispositif explique que cet écartement ne puisse avoir lieu que s'il a été préalablement
établi que la présomption est bel et bien applicable. (26)
248. Un autre exemple est relatif à la méthode d'interprétation des énumérations.
On peut citer à cet égard la maxime ejusdem generis en vertu de
laquelle une expression générale juxtaposée à une énumération qu'elle complète
est réputée englober des choses de même nature (27). C'est par exemple
cette maxime que le fiscaliste est implicitement invité à appliquer pour interpréter
lanotion de« coût d'emprunt » qui figure dans la directive ATAD du 12 juillet
2016 (ce qu'en France on a traduit par « charge financière » dans l'article
212 bis du CGI). L'article 2 (1) de la directive définit ainsi l'expression
« coût d'emprunt » en deux temps : d'abord, par une formule générale qui vise
« les charges d'intérêts sur toutes les formes de dette, les autres coûts économiquement
équivalents à des intérêts et les charges supportées dans le cadre de
financements au sens du droit national ; ensuite, par une longue liste de paiements
précédés par la formule " notamment, mais pas exclusivement " ». Pour
savoir si une dépense non expressément visée par la directive constitue un
« coût d'emprunt » et rentre dans la catégorie générale de « charges d'intérêts
sur toutes les formes de dette » et « d'autres coûts économiquement équivalents
à des intérêts », il est donc recommandé, conformément au canon ejusdem
generis, de supposer qu'il existe en quelque sorte un point commun entre l'ensemble
des objetsénumérésdanslaliste afin d'en tirer une conséquence pour
élucider le contenu de la catégorie générale. Pour nous être livré à l'exercice
dans certains cas particuliers, nous avouons cependant avoir parfois ressenti
un certain sentiment d'impuissance (28).
26. Par exemple, la présomption que les enfants d'un couple sont à la charge égale de l'un et de l'autre
parent en cas de résidence alternée ne peut être écartée que lorsque cette présomption joue, ce qui n'est pas le
cas, selon le texte de l'article 194 du CGI, lorsqu'il existe une disposition contraire dans la convention de
divorce homologuée par le juge (CE, 9e
-10e ch. réunies, 24janv. 2018, nº 399726, RJF4/18, nº 345. Les
concl. de Mme Bokdam-Tognetti sont publiées sur ArianeWeb).
27. P.-A. Côté et M. Devinat, Interprétation des lois, op. cit., nº 1093. Les auteurs expliquent que le canon
« ejusdem generis » est fort utile en présence de textes rédigés suivant le style législatif anglais « qui consiste à
éviter les termes généraux et abstraits et qui favorise plutôt la description détaillée des objets concrets que l'on
veut évoquer, et donc leur énumération. Comme on peut craindre qu'une énumération ne soit pas exhaustive, la
pratique s'est développée de la compléter d'une expression générale fourre-tout destinée à rattraper les espèces
particulières que le rédacteur aurait pu oublier. Compte tenu de cet objet, il paraît normal de restreindre l'extension
du concept signifié par l'expression générale à des choses de même catégorie que celles qui sont énumérées
». Sur l'application du canon « ejusdem generis » dans la jurisprudence anglaise, v. R. Cross, Statutory
Interpretation, LexisNexis, 3e
éd. par J. Bell et G. Engle, 2005, p. 135 et s. Et pour l'utilité de cette méthode
en matière d'interprétation des conventions internationales, v. F. Baetens, « Ejusdem Generis and Noscitur a
Sociis », in J. Klinger, Y. Parkhomenko, C. Salonidis (dir.), Between the Lines of the Vienna Convention ?
Canons and Other Principles ofInterpretation in Public International Law, Wolters Kluwer, 2019, p. 133 et s.
28. La tâche est compliquée par le fait que la rédaction du CGI n'est pas identique à celle de la directive car
le III de l'article 212 bis énonce que « les charges et produits financiers mentionnés au 1 du présent III correspondent
aux intérêts sur toutes les formes de dette, c'est-à-dire ceux afférents aux sommes laissées ou mises à
disposition de l'entreprise ou par l'entreprise, y compris (au lieu de « notamment » dans la directive) les paiements
effectués dans le cadre de prêts participatifs ou d'emprunts obligataires, etc. Mais comme on le reverra au
chapitre suivant, le droit interne doit être lu à la lumière de la directive.

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