Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique - 212

212 SOURCES ET RESSOURCES DE L'INTERPRÉTATION JURIDIQUE
confère aux États membres la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la
participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la
société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère,
doit faire l'objet d'une interprétation stricte « et ne saurait donc, conformément à
une jurisprudence constante de la Cour, recevoir une lecture allant au-delà de ses
termes mêmes » (98).
2) Enseignements théoriques provisoires
279. De prime abord, la méthode d'interprétation stricte des exceptions paraît
dans ce contexte seulement signifier que des exceptions limitativement énumérées
ne peuvent voir leur champ étendu au-delà de leur lettre. Il convient toutefois
de signaler que la méthode d'interprétation n'est pas forcément incompatible,
dans l'esprit de la Cour, avec le recours à l'interprétation téléologique. Dans l'affaire
précitée relative à l'application des taux réduits de TVA, la Cour a pris le
soin, après avoir relevé que la liste des taux réduits est d'interprétation stricte, de
noter que cette interprétation est corroborée par les objectifs poursuivis par le
régime de taux réduits de TVA (99). Elle se livre ainsi à l'analyse des raisons
pour lesquelles le législateur de l'Union a souhaité que les biens essentiels ainsi
que les biens et les services correspondant à des objectifs sociaux ou culturels
puissent faire l'objet d'un taux réduit de TVA, et considère que l'octroi d'un
taux réduit dans l'hypothèse en cause dans le litige serait contraire aux objectifs
de la directive (100). De même, lorsqu'elle interprète strictement la règle de la
directive mères-filiales qui autorise les États membres à imposer une quote-part
de frais et charges liée aux dividendes reçus, elle énonce en parallèle que
«l'interprétation littérale de la règle figurant à l'article 4, paragraphe 2, de la
directive 90/435 (...) est la seule compatible avec l'objectif spécifique visé à
cette disposition dans le cadre du système de la directive 90/435 » (101).
Il apparaît ainsi que le recours à la méthode d'interprétation stricte n'aboutit
pas à congédier les méthodes ordinaires d'interprétation qu'utilise la Cour ; simplement,
l'interprétation stricte des exceptions s'intègre dans le schéma plus
général de raisonnement qui consiste à combiner l'interprétation littérale avec
l'interprétation téléologique.
Le même type de raisonnement se retrouve lorsqu'il s'agit d'interpréter des
règles dérogeant au droit commun en ce qu'elles allègent ou alourdissent la
charge fiscale de certains contribuables.
98. CJUE, 26 oct. 2017, C-39/16, Argenta Spaarbank NV, point 51 et la jurisprudence citée.
99. CJUE, 8e
ch., 19 déc. 2019, aff. C-715/18, préc., points 30 et s. On retrouve exactement le même raisonnement
dans une autre affaire sur les taux réduits de TVA : CJUE, 1er oct. 2020, C-331/19, Dr.fisc. 2020, nº 44,
comm. 421, note F. Barviaux, points 30 et s.
100. Au cas particulier, la Cour considère que le taux réduit de l'annexe III, point 12, de la directive TVA, à
la location d'emplacements de camping et d'emplacements pour caravanes ne peut être étendu à la location
d'emplacements d'amarrage pour bateaux.
101. CJUE, 26 oct. 2017, C-39/16, préc., point 53.

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