Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique - 245

LA COHÉRENCE VERTICALE DU SYSTÈME JURIDIQUE
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rigueur de la loi en application d'un principe de proportionnalité (23). Dans ces
conditions, si la nouvelle règle énoncée par le Conseil est présentée formellement
comme issue d'une interprétation (ce qui permet notamment à la réserve de s'incorporer
rétroactivement au texte « interprété »), il arrive fréquemment que du
point de vue intellectuel, elle procède d'une logique véritablement créatrice.
Dans ces conditions, plutôt que de rechercher si les « réserves d'interprétation
» formulées par le Conseil constitutionnel éclairent la théorie de l'interprétation
du droit fiscal, ce qui serait artificiel ou vain, il nous paraît utile de
préciser leur portée exacte lorsque le juge ou l'administration doivent les manier.
2) La portée des réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel
329. Les réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel
s'imposent au juge et à l'administration fiscale.
a) Les réserves d'interprétation lient le juge fiscal
330. Les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel
assortit la déclaration de conformité à la Constitution d'une disposition législative
sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée et lient le juge
administratif (24) comme le juge judiciaire (25) pour l'application et l'interprétation
de cette disposition. Le Conseil d'État juge qu'en conséquence, il
appartient au juge administratif d'en faire une application, le cas échéant,
d'office (26).
Les effets des réserves d'interprétation portant sur une disposition s'étendent
aussi aux autres versions de cette même disposition « similaires dans leur substance
à celle sur laquelle le Conseil constitutionnel s'est prononcé » (27).
331. Par contraste, il est établi en jurisprudence que la réserve d'interprétation
émise par le Conseil constitutionnel au sujet d'une disposition fiscale
donnée ne peut pas, en principe, être étendue par analogie à une disposition
23. Nous songeons ici à la série jurisprudentielle précitée issue de la décision du 20janvier 2015, nº 2014437
QPC, AFEP et a, qui présente une certaine parenté avec la jurisprudence du Conseil d'État sur l'incorporation
dans l'ancien article 209 B d'une clause de sauvegarde par le moyen d'une interprétation conforme à la
liberté d'établissement. Sur le point de savoir si ce type de démarche procède d'une « interprétation », v. infra,
nº 374 et s.
24. V. par ex. en ce sens CE, 8e
dings, Dr.fisc. 2019, nº 27, comm. 315, concl. R. Victor ; CE, 9e-10e ss-sect. réunies, 1er
du Conseil constitutionnel, v. Cass. 1re civ., 28 mai 2014, nº 13-15760, Bull. civ. I, nº 95.
26. CE, 1re-6e ss-sect. réunies, 15 mai 2013, nº 340554, Cne de Gurmençon.
27. CE, 8e-3e ch. réunies, 7juill. 2017, nº 410620, Dr.fisc. 2017, nº 30-35, comm. 416, concl. B. Bohnert ;
CE, 9e-10e ch. réunies, 28janv. 2019, nº 407421, RJF4/19, nº 348, concl. É. Bokdam-Tognetti. Ces décisions
s'inscrivent dans la continuité de la décision Sté Métropole Télévision de 2015 du 16janvier 2015 (nº 386031,
RJF4/15, nº 350, concl. M.-A. Nicolazo de Barmon, BDCF4/15, nº 49) dans laquelle le Conseil d'État avait
jugé que lorsque le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution des dispositions législatives,
la déclaration d'inconstitutionnalité doit être regardée comme s'appliquant également à des dispositions antérieures
identiques, dans leur substance et dans leur rédaction.
-3e ch. réunies, 7 mars 2019, nº 421688, SAS Zimmer Biomet France Holavr.
2015, nº 365253,
M. Gohier, Dr.fisc. 2015, nº 24, comm. 398, CE, 3e-8e ch. réunies, 26 mars 2012, nº 340466, Dr.fisc. 2012,
nº 17, comm. 280, concl. V. Daumas, note V. Pelletier.
25. Pour un exemple d'un arrêt de la Cour de cassation rendu au visa explicite d'une réserve d'interprétation
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