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254 SOURCES ET RESSOURCES DE L'INTERPRÉTATION JURIDIQUE
Cette décision est instructive lorsqu'on la lit à la lumière des conclusions de la
rapporteure publique. Pour inviter le Conseil d'État à retenir que l'inscription des
congés sur le compte épargne temps devait être prise en compte pour le décompte
des jours passés à l'étranger, la rapporteure publique ne s'est en effet pas contentée
d'estimer que la solution était la meilleure au vu de la nature juridique du
compte-épargne temps. Elle indiqua également ceci : « nous pensons qu'aucune
distinction ne peut être opérée selon que le salarié décide de prendre effectivement
les jours de congés ou de repos acquis du fait de son activité à l'étranger
ou qu'il choisit de les inscrire sur un compte épargne-temps. Une telle différence
de traitement, si vous la reteniez, serait sans rapport avec l'objectif de la loi,
et nous vous invitons donc à l'écarter ». Cette observation incidente suggère que
si le Conseil d'État avait retenu de l'article 81 A une interprétation excluant du
décompte des 120jours ceux inscrits sur un compte épargne temps, la solution en
résultant aurait été constitutive d'une rupture d'égalité (56). Bel exemple d'un
recours à l'interprétation téléologique de la loi en vue d'assurer sa conformité
avec les principes constitutionnels.
345. Un troisième exemple peut être trouvé dans la décision par laquelle le
Conseil d'État a censuré certains passages de la doctrine administrative relative
au champ d'application de la taxe sur les services numériques figurant à l'article
299 du CGI (57). Sans rentrer dans le détail de cette décision, il est intéressant
de constater que l'administration faisait une interprétation erronée de la portée de
l'exclusion du champ de la taxe en présence de services proposés par une société
à une autre société du même groupe. La lecture des conclusions enseigne que
selon la rapporteure publique, dont les conclusions ont été suivies par le Conseil
d'État, l'argumentation développée par la société requérante ne manquait pas de
force car, au regard de l'objectif de la disposition commentée par l'administration,
un critère figurant dans la doctrine administrative pour cantonner le champ
de l'exclusion n'apparaissait pas objectif et rationnel. La rapporteure publique en
déduisait que « la lecture du texte faite par l'administration nous semble donc
pouvoir soulever des difficultés au regard du principe d'égalité devant la
loi » (58).
346. Enfin, nous achevons cette liste par la lecture des conclusions du rapporteur
public Laurent Cytermann qui, dans une affaire mettant en jeu l'interprétation
des règles combinées du crédit d'impôt recherche et du report en
56. La formule précitée dans les conclusions de la rapporteure publique est à rapprocher de celle du Conseil
constitutionnel lorsqu'il énonce que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon
différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu
que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi
qui l'établit » (v. par ex. Cons. const., 1er
déc. 2017, nº 2017-676 QPC, cons. 5). De même, s'agissant du principe
d'égalité devant les charges publiques, le Conseil considère que « pour assurer le respect du principe d'égalité,
le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se
propose » (formule constante du Conseil qu'on retrouve par exemple dans la décision nº 2020-854 QPC du
31juillet 2020, Société Béraha).
57. CE, 8e
comm. 284, concl. K. Ciavaldini, note A. Périn-Dureau.
58. Concl. préc., § 10.
-3e ch. réunies, 31 mars 2022, nº 461058, SASU Amazon Online France, Dr.fisc. 2022, nº 29,

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