Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique - 291

LA COHÉRENCE NARRATIVE DU SYSTÈME JURIDIQUE
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généralement si les juges recourent à ces principes généraux en tant que sources
de droit susceptibles de fonder leurs décisions en droit, ils n'ont somme toute
qu'assez peu d'occasions d'y trouver la source d'inspiration leur permettant
d'interpréter d'autres normes.
Par contraste, l'identification de principes généraux du droit fiscal paraît produire
des résultats plus féconds au regard de la pratique interprétative.
§2. - Les principes généraux du droit fiscal
405. L'existence de principes généraux du droit « tout court » n'est nullement
incompatible avec l'existence de principes généraux inhérents à une matière
donnée (25), telle que le droit fiscal. Cela s'explique par l'idée que le droit fiscal
repose sur un certain nombre d'institutions (le terme d'institutions renvoyant ici à
des concepts clés et à des mécanismes propres à la matière) qui permettent de le
considérer comme un sous-système doté d'une certaine homogénéité (26), même
si ce sous-système n'est pas étanche par rapport au système juridique dans son
ensemble.
406. Une fois accepté qu'il puisse exister des principes propres à la matière
fiscale, il n'est pas évident d'identifier les principes en question. Bien que Cozian
ait consacré un ouvrage aux « grands principes de la fiscalité des
entreprises » (27) (le mot « principe » dans ce titre séduisant s'entendant manifestement
de façon très large) et qu'il ait énoncé comme une évidence que « le droit
fiscal se compose certes de règles techniques, mais qui sont dominées par des
principes généraux » (28), les conditions méthodologiques dans lesquelles leur
existence peut être établie sont complexes. La démarche est d'autant plus ardue
que, comme deux auteurs le soulignent à juste titre, il est fréquent que l'on
désigne par « principes » des créations jurisprudentielles qui ne doivent rien à
une activité de découverte de normes transcendant un champ disciplinaire du
droit (29). Il arrive aussi que le Conseil d'État formule sous forme de principe
une méthode d'interprétation d'une norme en recourant - pas toujours à bon
escient à notre avis - à des termes très généraux (30).
Aussi convient-il de faire un effort particulier pour tenter de comprendre ce
qu'on entend par « principes [généraux] du droit fiscal ». Comme le suggèrent les
25. En ce sens, v. N. Bobbio, « Principi generali di diritto », in Contributi ad un dizionario giuridico, Giappichelli,
1994, chap. XIV, p. 257 et s., spéc. p. 275. Même idée chez R. Dworkin, L'empire du droit, PUF, 1994,
spéc. p. 274 et s.
26. Sur le lien entre branche du droit et sous-système, v. par ex. F. Ost et M. van de Kerchove, Le système
juridique entre ordre et désordre, PUF, 1998, p. 50.
27. Litec, 1999, rééd. 2015 avec préf. F. Deboissy.
28. M. Cozian, « La haute coiffure, le moulin et le fiscal », Dr.fisc. 1982, nº 13, ét. 100024.
29. F. Terré et N. Molfessis, Introduction générale au droit,12e
30. Exemple : CE, 9e
éd., Dalloz, 2020, nº 393.
-10e ch. réunies, 29 déc. 2021, nº 441357, Sté Apex Tool Group, énonçant que dans le
cadre de l'application de l'article 212 du CGI (relatif aux modalités de la déduction des intérêts d'emprunt versés
à des sociétés liées), « le profil de risque doit (...) en principe être apprécié au regard de la situation économique
et financière consolidée de l'entreprise emprunteuse et de ses filiales ». Nous n'apercevons pas clairement
pour quelle raison le Conseil d'État a jugé bon d'énoncer ici un principe.

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