Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique - 321

LA COHÉRENCE NARRATIVE DU SYSTÈME JURIDIQUE
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SCI » (124) l'abandon de la jurisprudence Lupa (125) en matière d'imposition
des plus-values de cession de parts de sociétés de personnes. Néanmoins, il
nous semble que certains revirements sont bien réels alors même qu'ils ne sont
pas signalés comme tels. L'absence d'annonce du revirement dans le fichage ne
doit donc pas tromper le lecteur. Ce décalage entre le fichage et la réalité peut
s'expliquer par plusieurs raisons, à commencer par l'absence de conscience claire
des juges de la contradiction entre la solution nouvelle et la solution ancienne ; il
n'est également pas exclu que le Conseil d'État souhaite aussi parfois minorer la
contradiction entre plusieurs décisions successives, au prix peut-être (du moins
pour l'observateur) d'une certaine complexité.
Un exemple illustrant bien la difficulté d'identifier un revirement de jurisprudence
peut être trouvé dans la décision du Conseil d'État du 2 février 2022 relative
au délai de réclamation en matière de retenues à la source (126). La décision
énonce que le délai de réclamation en matière de retenue à la source prévu par
l'article R. 196-1 du LPF est le délai d'un an prévu au b) de la seconde partie de
ce texte. Elle relève ensuite que le principe d'équivalence, qui résulte du droit de
l'Union européenne, doit conduire à écarter ce délai d'un an au profit de celui de
deux ans prévu par le b) de la première partie du même article. L'énoncé de l'applicabilité
de principe du délai d'un an constitue-t-il un revirement de jurisprudence
par rapport à la jurisprudence antérieure (127) qui paraissait avoir admis
l'applicabilité du délai de deux ans prévu par le b) de la première partie à la
contestation des retenues à la source ? Nous inclinons à répondre positivement,
mais si l'on en croit les conclusions de la rapporteure publique dans cette affaire,
ce n'est pas exact car la jurisprudence antérieure n'avait pas la portée que la plupart
des commentateurs lui conféraient (128). Dont acte.
457. Un autre exemple d'insuffisance des indices formels de la portée d'une
décision concerne le cas des décisions inédites. Elles n'ont pas, en principe, de
portée quelconque car la publication en C révèle que la juridiction estime n'avoir
rien jugé de particulier. Aussi est-il dangereux, selon les mots de M. de La Taille,
« de bâtir des cathédrales conceptuelles sur des solutions inédites » (129).
Considérons toutefois l'exemple suivant qui a fait grand bruit chez les fiscalistes
et qui a trait à la question de savoir si un contribuable non-résident qui s'est
acquitté d'un impôt sur la base d'un texte contraire au droit de l'Union européenne
peut en obtenir la décharge totale ou seulement la décharge partielle
p. 5, et l'article de K. Ciavaldini, Dr.fisc. 2019, nº 46, comm. 438, concl. K. Ciavaldini, note M. Toclet.
125. CE, 8e
France, Dr.fisc. 2016, nº 39, comm. 514, concl. N. Escaut, note F. Lugand ; RJF11/2016, nº 982.
126. CE, 9e
É. Bokdam-Tognetti C 394.
127. CE, 3e
124. CE, plén. fisc., 24 avr. 2019, nº 412503, FRA SCI, RJF7/19, nº 681, concl. K. Ciavaldini ; FR 24/19,
-3e ch. réunies, 6juill. 2016, no
377904, SARL Lupa Immobilière France et Lupa Patrimoine
-10e ch. réunies, 2 févr. 2022, nº 441511, Sté Sofina, RJF4/22, nº 394, concl.
-8e ss-sect. réunies, 5juill. 2010, nº 310945, min. c/SNC Serater et, surtout, CE, 3e
-8e ch. réunies,
15 avr. 2016, nº 385737, min. c/Mori.
128. É. Bokdam-Tognetti, concl. précitées, soulignant aux § 8 et 9 les erreurs des commentateurs des décisions
Mori (dont elle relève qu'elle était inédite au Recueil)et SNC Serater, alimentées, reconnaît-elle, par
l'ambiguïté des conclusions de rapporteurs publics antérieurs.
129. G. de la Taille, « L'art des discours chez le juge fiscal », RJF3/22, p. 6 et s.
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