Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique - 72

72 SOURCES ET RESSOURCES DE L'INTERPRÉTATION JURIDIQUE
sociétés concernées constitue un raisonnement « conforme à l'objectif poursuivi
par le législateur qui était de favoriser la vente " clés en mains " et, à cet effet, de
lever l'obstacle fiscal qui incitait les promoteurs à constituer des sociétés de
copropriété " transparentes " , régies par la loi du 30juin 1938, dont ils cèdent ultérieurement
leurs parts, dans le seul but d'échapper à l'impôt sur les sociétés, plutôt
que des sociétés civiles pratiquant la vente directe des immeubles ».
Ainsi, le souci du Conseil d'État de rester en phase avec les objectifs du législateur
l'a conduit à retenir une interprétation de « l'objet » qui contraste assez
nettement avec le sens du mot en droit civil.
70. Une deuxième décision illustrant une interprétation téléologique en délicatesse
avec le sens d'un terme en droit commercial peut être trouvée dans une
ancienne affaire où était en cause l'interprétation de la notion de « siège » pour
les besoins de l'article 119 bis 2 du CGI qui instaure une retenue à la source sur
les revenus distribués par une société française à une société non-résidente (205).
L'article, en sa version applicable à l'époque des faits, énonçait que les produits
des actions et parts sociales et les revenus assimilés ne sont soumis à la retenue à
la source que s'ils bénéficient à « des personnes qui n'ont pas leur domicile réel
ou leur siège en France ». En l'espèce, la question de l'applicabilité de la retenue
se posait car des dividendes de source française avaient été payés à une société
ayant son siège social à l'étranger, mais compris dans les résultats de l'établissement
stable français de cette société. La situation était donc fiscalement francofrançaise,
en quelque sorte. La lecture du texte invitait, à la lettre et en retenant
une analyse conforme au droit des sociétés, à considérer la retenue à la source
comme applicable car nonobstant l'existence de l'établissement stable français,
la « personne » à laquelle le dividende avait été payé n'avait pas son « siège »
en France. Le Conseil d'État en décida pourtant autrement et jugea que « ces
dispositions ont pour objet d'exclure du champ d'application de la retenue à la
source les produits des actions qui bénéficient à des personnes soumises (...) à
l'impôt sur les sociétés à raison d'un revenu comprenant notamment lesdits produits
» et « qu'il suit de là que l'établissement situé en France d'une société étrangère
doit être assimilé à un siège en France pour l'application des dispositions
précitées ». La solution est logique et repose sur une « assimilation » qui permet
de respecter le texte de la loi tout en mettant en lumière son esprit, qui consiste à
ne soumettre à la retenue à la source que les distributions présentant un élément
fiscal d'extranéité. La doctrine administrative ne s'y trompe pas et commente la
décision en énonçant que le Conseil d'État « a interprété le terme " siège " en
dégageant l'esprit de la loi » (206). La solution est d'autant plus intéressante
que le Commissaire du gouvernement, non suivi par le Conseil d'État, avait mis
205. CE, 8e-7e-9e ss-sect. réunies, 19 déc. 1975, nº 84774 et nº 91895, Dr.fisc. 1976, nº 27, comm. 925,
concl. Fabre.
206. BOI-RPPM-RCM-30-30-10-40, nº 40.

Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique

Table des matières de la publication Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique