Hors collection - Sources et ressources de l’interprétation juridique - 84

84 SOURCES ET RESSOURCES DE L'INTERPRÉTATION JURIDIQUE
dans le cas fréquent où aucune convention ne couvre les droits de mutation à titre
gratuit, il n'existe pas de doctrine administrative instituant une tolérance permettant
d'étendre aux droits de mutation à titre gratuit une définition conventionnelle
de la résidence qui n'a été établie entre États que pour l'impôt sur le revenu. Or,
un courant de jurisprudence considère que lorsqu'une loi afférente à un impôt
renvoie aux règles d'assiette ou de champ d'application concernant un autre
impôt, l'éventuelle neutralisation de l'application de cet autre impôt en vertu
des stipulations d'une convention fiscale ne visant pas le premier impôt est sans
effet pour l'application de ces règles à celui-ci (243). Ainsi, une même personne
peut être considérée comme non-résidente pour les besoins de l'impôt sur le
revenu tout en étant considérée comme résidente pour les besoins des droits de
mutation à titre gratuit.
Il résulte de tout cela, si l'on en doutait, que le phénomène de polysémie fiscale
est irréductible et affecte même les concepts « matriciels ». Il n'est pas pour
autant dit qu'il faille se résoudre à un relativisme systématique, du moins en droit
interne.
Il nous reste, pour clore ce développement sur le langage du texte, à dégager
les principes d'interprétation des normes écrites en plusieurs langues.
§3. - Les langues étrangères
86. Les mots de la norme fiscale ne sont pas toujours écrits en une seule langue.
Ils peuvent l'être parallèlement en plusieurs langues, ce qui est le cas des
mots du droit de l'Union européenne ou encore des conventions internationales.
L'expérience démontre à cet égard que la prise en compte de la langue étrangère
peut s'avérer nécessaire, tant en droit de l'Union européenne (A) qu'en présence
de conventions fiscales (B).
A. - Multilinguisme et droit de l'Union européenne
87. Une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne
juge que les dispositions du droit de l'Union doivent être interprétées et appliquées
uniformément à la lumière des versions existant dans toutes les langues
de l'UE. Pour reprendre les mots de la Cour dans un arrêt intéressant la sixième
directive TVA, « en présence de divergences linguistiques, on ne saurait apprécier
la portée de l'expression concernée sur la base d'une interprétation exclusivement
textuelle. Il y a lieu, dès lors, d'interpréter cette expression à la lumière du
contexte dans lequel elle s'inscrit, des finalités et de l'économie de la sixième
directive » (244).
C 694.
243. CE, 9e-10e ss-sect. réunies, 15 juill. 2004, nº 249798, nº 249799, nº 249800, nº 249801, nº 249846 et
-9e ch. réunies, 21 avr. 2017, nº 400297, SNC Ultramarine 1101, RJF7/17, nº 694, concl. E. Crépey au
244. CJCE, 19 avr. 2007, C-455/05, Velvet and Steel Immobilien und Handels GmbH, point 20. V. aussi
nº 250078, min. c/Sté Alitalia, RJF11/04, nº 1089 à 1092 et 1104, BDCF11/04, nº 132, concl. G. Goulard ;
CE, 10e
CJUE, 26 sept. 2013, C-296/11 et CJCE, 8 déc. 2005, C-280/04, Jyske Finans, point 31.

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