Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 122

La Convention européenne des droits de l'homme

requérant à trente ans de réclusion. Sous l'angle de la motivation de l'arrêt de
Grande chambre, il convient de relever que l'article 49 de la CDFUE joua un rôle
non négligeable. Il fut mentionné dans la partie « En fait » de l'arrêt (§ 37), mais
également et surtout au cœur de l'argumentation de la Cour qui utilisa la formule
selon laquelle « l'article 49 § 1 de ce texte s'écarte - et cela ne peut être que
délibéré - de celui de l'article 7 de la Convention ». Et d'enchaîner avec la mise en
avant de la solution dégagée par la Cour de justice de l'Union européenne dans
l'importante affaire Berlusconi (CJCE, 3 mai 2005, Berlusconi et autres) et reprise
par la Cour de cassation française, selon laquelle « le principe de l'application
rétroactive de la loi pénale plus légère fait partie des traditions constitutionnelles
communes aux États membres » (pt 68, affaire Berlusconi). La Cour de Strasbourg
rattrapait ainsi son « retard » : elle effaçait le décalage normatif avec le droit de
l'Union et la différenciation dans la protection des droits qui en découlait.
Ce principe souffre toutefois de deux types d'exceptions. L'une - textuelle -
découle de l'article 7 § 2 et concerne la prise en compte du « droit du Nuremberg » ;
l'autre - prétorienne - s'est manifestée dans le cadre de l'activité de la Cour ellemême. En admettant facilement les revirements de jurisprudence des tribunaux
nationaux (affaire S.W précitée) et en mettant elle-même en marche régulièrement des « changements de cap », la Cour accepte in fine de porter atteinte à la
prohibition de la rétroactivité (pourtant insusceptible de dérogations) et à celle de
l'interprétation in malam partem (au détriment de l'accusé).

1. Le droit de Nuremberg
Bien que la Cour n'ait pas été amenée à définir la portée de l'expression des
« principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées », le contentieux
l'a poussée à appliquer le § 2 de l'article 7, au gré des révélations sur les crimes
du passé commis tant à l'Ouest qu'à l'Est du continent européen. Avec l'affaire
Papon, elle reconnut l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité (CEDH,
15 novembre 2001, Papon c/ France) et revisita les heures les plus sombres de
l'histoire de France. Elle examina la répression soviétique lors du soulèvement
hongrois en 1956 (CEDH, Gde Ch., 19 septembre 2008, Koberly c/ Hongrie), ou
encore les crimes commis dans les années 1940-1950 par l'ex-URSS dans les
États baltes. Si elle fut empêchée de statuer au fond dans deux affaires estoniennes - soit pour défaut d'épuisement des voies de recours internes (CEDH,
déc., 12 décembre 2002, Tess c/ Estonie), soit parce que la requête était manifestement mal fondée (CEDH, déc., 17 janvier 2006, Kolk et Kislyiy c/ Estonie) - il
en alla différemment dans deux importantes affaires ultérieures, l'une contre
la Lettonie (CEDH, Gde Ch., 17 mai 2010, Kononov c/ Lettonie), l'autre contre
la Lituanie (CEDH, Gde Ch., 20 octobre 2015, Vasiliauskas c/ Lituanie). Dans la
première affaire, le requérant de nationalité russe contestait sa condamnation
pour « crime de guerre » pour des événements survenus en 1944 ; tandis que dans
la seconde, le demandeur lituanien fustigeait sa condamnation pour « génocide »
par les juridictions nationales pour des faits survenus en 1953.
Dans l'affaire Kononov, la Cour ne s'empara pas du § 2 de l'article 7, mais
raisonna sur le seul § 1 et donc sur l'exigence du principe de légalité, afin de

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