Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 151

Article 2 - Droit à l'instruction (Protocole n° 1)

2. La défense de la neutralité de l'État
Quand les affaires françaises firent leur apparition dans le prétoire de la
Cour de Strasbourg à la fin des années 2000, tous les outils méthodologiques
avaient été posés par la Cour dans les affaires turques. La « contextualisation »
du construit historique avait été posée ; il était difficile d'en écarter la mécanique
argumentaire à l'endroit de la France, alors même qu'il n'était plus question,
comme tel, de protéger la démocratie, mais plutôt de préserver l'approche laïque
des autorités françaises dans l'espace scolaire au nom de la neutralité. C'était
d'autant plus difficile, voire impossible de s'écarter d'une telle approche que déjà,
en 2001, le gouvernement suisse dans l'affaire Dahlab (CEDH, déc., 15 février
2001, Dahlab c/ Suisse), avait mis en avant, avec succès, le fait que « la neutralité
de l'État en matière de conception religieuse est d'autant plus précieuse qu'elle
permet de préserver la liberté de conscience des personnes dans une société
démocratique pluraliste » (§ 37). La « neutralité confessionnelle de l'école » était
acceptée d'autant plus aisément par la Cour que l'affaire portait au grand jour
le port du voile par une enseignante qui se devait, comme telle, d'en accepter
le principe. La Cour n'allait pas s'arrêter toutefois au cas des représentants de
l'État et allait étendre l'exigence de neutralité à tous les intervenants au sein de
l'espace scolaire, notamment les élèves.
Dans les affaires jumelles françaises Dogru (Cour EDH, 4 décembre 2008,
Dogru c/ France) et Kervanci (Cour EDH, 8 décembre 2008, Kervanci c/ France)
relatives à l'interdiction du port du voile - non plus à l'université, mais au sein
d'un des collèges publics de Flers (et plus spécifiquement en cours d'éducation
physique) - la Cour valida à l'unanimité l'exclusion définitive des requérantes
lesquelles, après moult tentatives de conciliation, n'avaient pas voulu retirer leur
voile. L'omniprésence argumentaire aux affaires antérieures turques (Refah Partisi
et Leyla Sahin) démontre la prégnance du contexte laïc. Bien qu'il ne fût plus
question en tant que tel de défendre la démocratie, mais plutôt un modèle où
la « neutralité de l'espace public » est majeur, le mantra laïc fut implacable au
stade de l'analyse de la proportionnalité de l'ingérence. En plus de rappeler les
« objectifs légitimes » qui permettent une telle restriction (protection des droits
d'autrui, de l'ordre et de la sécurité publique, § 64), la Cour valorise l'importance
du « concept de laïcité en France » (§ 17-22 de la partie « En fait » des arrêts et
§ 65-72 de la motivation au fond).
Autrement dit, là où certains auteurs dénoncent l'imposition des exigences
inhérentes à la laïcité à des personnes privées (comme les élèves des écoles,
collèges et lycées publics), - allant au-delà des obligations traditionnelles imposées aux personnes publiques - la Cour européenne n'y trouve rien à redire au
nom d'un choix politique, celui des autorités françaises attachées au « modèle
laïc ». Autrement dit, la Cour avalise l'omniprésence de l'argumentaire de la
neutralité (corollaire du modèle laïc) qui s'impose tout à la fois à des enseignants
(CEDH, déc., 15 février 2001, Dahlab c/ Suisse) et des agents hospitaliers de la
fonction publique (CEDH, 26 novembre 2015, Ebrahimian c/ France) - autant de
représentants de l'État - mais également à l'endroit de jeunes élèves lesquelles,
soit refusent d'ôter leur voile (affaires Dogru et Keranci), soit entendent ne pas

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