Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 178

La Convention européenne des droits de l'homme

L'arrêt rendu par la Grande Chambre dans l'affaire Refah Partisi (CEDH, Gde Ch.,
13 février 2003, Refah Partisi c/ Turquie) - qui confirme l'arrêt rendu en 2001 par
la troisième section de la Cour (CEDH, 31 juillet 2001, Refah Partisi c/ Turquie) -
est topique à cet égard. Le collège de 17 juges a considéré à l'unanimité que la
décision de la Cour constitutionnelle turque de dissoudre le Refah Partisi n'était
pas entachée d'inconventionnalité. Et de réaffirmer avec force et emphase que la
charia représente l'antithèse de la démocratie, tandis que le principe de laïcité se
présente quant à lui comme le garde-fou de tous les excès, contribuant à « assurer
l'ordre public, la paix religieuse et la tolérance dans une société démocratique »
(§ 91). La laïcité est érigée en valeur cardinale de la « Grande Europe », ce qui ne
manquera pas de satisfaire un État comme la France qui a dû réaffirmer, dans
un contexte délicat, son attachement historique et culturel à ce principe.
Les affaires turques ne sont pas les seules à mettre en scène la question de
la conventionnalité de la dissolution de partis politiques ; le contentieux basque
alimente également cette problématique. La technique consistant, pour un parti
politique dissous, à renaître de ses cendres sous une autre appellation n'a aveuglé
ni les autorités espagnoles, ni la Cour européenne (CEDH, 15 janvier 2013, Eusko
Abertzale Ekintza - Accion Nacionalista Vasca (EAE-ANV) c/ Espagne). La Cour axa
essentiellement son analyse sur les activités concrètes du parti et les liens qui
l'unissaient - notamment financiers - avec le parti dissous Batasuna, puis par
ricochet avec l'ETA. Elle en profita pour rappeler que la dissolution du parti - et ce
alors même qu'il n'avait pas condamné de façon explicite le terrorisme - n'était
pas contraire à la Convention. Et d'affirmer, de façon solennelle, que « les projets
politiques du parti requérant étant en contradiction avec le concept de « société
démocratique » et représentant un grand danger pour la démocratie espagnole, la
Cour juge que la sanction infligée au requérant était proportionnée au but légitime
poursuivi conformément à l'article 11 § 2 de la Convention » (§ 81).

2. Les associations « civiles »
La possibilité pour les citoyens de constituer une personne morale afin d'agir
collectivement dans un domaine d'intérêt commun constitue un des aspects les
plus importants du droit à la liberté d'association, sans quoi ce droit se trouverait dépourvu de toute signification (CEDH, 10 juillet 1998, Sidiropoulos et autres
c/ Grèce). Il est tout naturel, lorsqu'une société civile fonctionne correctement,
que les citoyens participent dans une large mesure au processus démocratique
par le biais d'associations au sein desquelles ils peuvent se rassembler avec
d'autres et poursuivre de concert des buts communs. Ainsi, les associations
créées à d'autres fins que la politique ont une importance vitale : qu'il s'agisse de
protéger le patrimoine culturel, spirituel (CEDH, 2 août 2001, Grande Oriente d'Italie
di Palazzo Giustiniani), social (comme le droit au logement CEDH, 11 octobre 2011,
Association Rhino et autres c/ Suisse) ou économique ; qu'il s'agisse de défendre
l'enseignement d'une religion, d'une identité ethnique (CEDH, Gde Ch., 17 février
2004, Gorzelik et al. c/ Pologne), ou sexuelle (ainsi, de l'identité homosexuelle,
CEDH, 3 mai 2007, Baczkowski c/ Pologne ; CEDH, 21 octobre 2010, Alekseyev
c/ Russie), l'affirmation d'une conscience minoritaire (ainsi de la « conscience

178
Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e

Table des matières de la publication Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e
