Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 181

Article 11 - Liberté de réunion et d'association

de la liberté syndicale ». Cette dernière incise est majeure car, pour prendre en
compte l'évolution susmentionnée, la Cour de Strasbourg examine le contenu des
textes européens les plus pertinents en la matière. En plus de les mentionner dans
la partie « en fait » de l'arrêt, le juge de Strasbourg leur accorda une place importante dans sa motivation (§ 72-75). Si l'article 5 de la Charte sociale européenne
(« droit syndical ») et l'activité du Comité européen des droits sociaux à l'endroit
du Danemark sont évidemment mentionnés en premier dans l'argumentaire de
la Cour (§ 72), il n'en est pas moins intéressant de noter que deux textes de soft
law - la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs
(§ 73), mais également l'article 12 de la CDFUE (§ 74) - sont utilisés afin, in fine, de
condamner le Danemark pour avoir laissé perdurer des pratiques de monopole
syndical. Mieux, on peut dire que l'ensemble de ces instruments dont la Cour ne
distingue pas les différences de portée juridique, sont utilisés pour mieux interpréter l'article 11 qui consacre le droit d'association négatif.

2. La consécration du droit à la négociation collective
C'est l'arrêt Demir et Baykara (CEDH, Gde Ch., 12 novembre 2008, Demir et
Baykara c/ Turquie) qui a inféré de l'article 11 le droit, pour les fonctionnaires,
de négocier des conventions collectives. Il fait partie de ces arrêts majeurs qui
marquent l'étude de l'interprétation constructive et finaliste de la Cour. Il est
important à plus d'un titre. Il l'est tout d'abord en ce qu'il expose, de façon très
claire et pédagogique, la méthodologie de la Cour s'agissant de l'interprétation
de la Convention à la lumière d'autres instruments internationaux. Cette analyse
est la réponse circonstanciée à l'argument du gouvernement turc qui contestait
le fait que l'on puisse lui opposer le contenu - auquel il n'avait pas souscrit - des
articles 5 (droit syndical) et 6 (droit de négociation collective) de la CSE. Il considérait en effet qu'« une interprétation conférant une opposabilité par ricochet à ces
dispositions serait plus grave encore là où, comme en l'espèce, l'absence dans
la Convention d'une disposition prévoyant expressément le droit de conclure des
conventions collectives est compensé par la prise en compte d'autres instruments
auxquels l'État intéressé ne serait pas partie » (§ 62). La Cour n'a cure d'un tel
argument et arrive à imposer à l'État défendeur une obligation à laquelle il avait
explicitement décidé de ne pas souscrire. Elle se base pour ce faire sur une utilisation croisée de l'ensemble des sources existant à l'échelle internationale - au
sein desquelles la CDFUE et ses articles 12 § 1er sur le droit d'association et 28
sur le droit de négociation et d'action collective, se trouvent en bonne place. Ces
dispositions sont mentionnées tout à la fois dans la partie « En fait » (§ 47 et 51)
pour présenter l'état du droit sur ces deux questions à l'échelle européenne, tout
comme dans la partie « En droit ». Sur ce dernier point, la Charte est tout à la
fois utilisée pour expliciter la méthodologie décloisonnée du juge (§ 80), comme
pour démontrer le niveau de protection atteint en Europe, tant s'agissant du droit
d'affiliation syndicale (§ 105) que du droit de conclure des conventions collectives
à un niveau approprié (§ 150). Ce « bricolage » ingénieux, révélateur des temps
modernes marqués par une ouverture sans limites aux sources venues d'ailleurs,
est-il positif ou à l'inverse préoccupant ? La question est posée ; le lecteur pourra

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