Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 19

Introduction

responsabilité partagée35 est à l'honneur dès qu'il est question de mettre en œuvre
les arrêts de la Cour. Les messages sont clairs : le « fardeau » doit être partagé
à parts égales avec les États, seul moyen d'assurer la pérennité du mécanisme
de garantie imaginé après-guerre. Car, à l'engorgement de la Cour, s'ajoute de
faibles ratios en matière d'exécution des arrêts. Il s'agit là d'un problème majeur
qui s'aggrave quand ce sont des arrêts pilotes - i.e., qui ont porté au grand jour
un problème systémique au sein d'un État - qui ne sont pas exécutés. L'affaire
Burmych en témoigne avec force36. Alors que la grande chambre avait identifié
en 2009 un problème structurel en Ukraine relatif à l'inexécution prolongée des
décisions de justice et à l'absence de recours internes effectifs pour y remédier (CEDH, Gde Ch., 15 octobre 2009, Ivanov c/ Ukraine) et après lui avoir indiqué
plusieurs mesures d'ordre général pour remédier à cet état de fait, elle constata
que près de 12 143 requêtes du même type étaient pendantes devant son prétoire
en 2017. Le problème systémique n'avait pas été résolu et un bis repetita ne fut
pas à l'ordre du jour pour la Cour. Estimant qu'elle s'était acquittée de sa tâche
juridictionnelle conformément à l'article 19 de la Convention, elle décida qu'il
s'agissait d'un problème d'exécution et qu'il revenait ce faisant au Comité des
ministres de s'acquitter de ses fonctions à cet égard (§ 198). En voulant sauver
coûte que coûte l'efficacité du système européen de garantie des droits - en
évitant que les « ressources de la Cour » ne soient trop affectées et en évitant
que le délai de souffrance des affaires ne s'allonge (§ 174) - la Cour a joué à
plein la carte de la subsidiarité « qui sous-tend l'ensemble de la Convention et
non uniquement la procédure de l'arrêt pilote » (§ 197). La décision est majeure
et a été appréciée de différente manière : refus d'accomplir sa tâche judiciaire
d'examen des requêtes individuelles ou lucidité judiciaire devant des problèmes
systémiques qui ne cessent de grever le rôle de la Cour ? Le pragmatisme satisfera certains ; tandis que la perte de vue des idéaux induits par l'article 34 sera
fortement regrettée par d'autres. Difficile équilibre qui démontre que la Cour et
l'ensemble du mécanisme de garantie (ce qui inclut le Comité des ministres) sont
confrontés à des défis d'une ampleur considérable.
Dans ce contexte, le tourbillon réformateur - i.e., cinq Conférences de haut
niveau en l'espace de huit ans - s'il eut au premier chef pour objet de régler
l'engorgement de la Cour, porta également au grand jour la défiance de certains
États à l'endroit du système conventionnel. Lors de chacune de ces Conférences
de haut niveau, les tensions et les oppositions ont été plus ou moins fortes et
perceptibles. En 2018, au Danemark, il s'en est fallu de peu pour que l'approche
régressive prônée par la présidence danoise du Conseil de l'Europe porte ses
fruits. Si les insiders ont connu très tôt l'approche de la diplomatie danoise, c'est

35. Il s'agit du titre officiel de la Conférence de haut niveau organisée par la présidence belge à
Bruxelles en mars 2015 : « La mise en œuvre de la Convention européenne : notre responsabilité
partagée. » Au préalable, la Cour européenne, dans le cadre de ses rencontres annuelles
avec les juridictions nationales, avait déjà lancé la formule : La mise en œuvre des arrêts de la
Cour européenne des droits de l'homme : une responsabilité judiciaire partagée ? Dialogues entre
Juges 2014, Strasbourg, Conseil de l'Europe, 2014, 42 p.
36. CEDH, Gde Ch., 12 octobre 2017, Burmych et autres c/ Ukraine (radiation).

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