Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 194

La Convention européenne des droits de l'homme

II.

La portée de l'exigence d'effectivité

Le niveau d'exigence du droit à un recours effectif dépend-il des droits substantiels invoqués ? L'analyse de la jurisprudence ne laisse pas de place au doute :
la réponse est positive.
Il appert en effet que l'article 13 impose que les recours soient suspensifs quand des allégations de mauvais traitements relevant de l'article 3 sont
en cause. Cette ligne jurisprudentielle fut inaugurée avec l'arrêt Jabari (CEDH,
11 juillet 2000, Jabari c/ Turquie), confirmée dans l'arrêt Gebremedhin (CEDH,
26 avril 2007, Gebremedhin c/ France) et poursuivie avec les arrêts Čonka (CEDH,
5 février 2002, Čonka c/ Belgique) et Hirsi Jamaa (CEDH, Gde Ch., 23 février 2012,
Hirsi Jamaa c/ Italie). Dans ces dernières affaires, la Cour relia les exigences tirées
de l'article 13 à l'article 4 du protocole n° 4 relatif à l'interdiction des expulsions
collectives d'étrangers.
Une telle approche n'est pas exactement celle qui est défendue par la Cour
quand le droit au recours effectif se manifeste dans des affaires où le droit à la vie
privée et familiale de l'article 8 est invoqué. Le contexte de l'affaire De Souza Riberio
le démontre à l'envi (CEDH, Gde Ch., 13 décembre 2012, De Souza Ribeiro c/ France).
Le requérant de nationalité brésilienne contestait l'impossibilité d'attaquer le bienfondé d'une mesure de reconduite à la frontière. Cette partie latino-américaine
du territoire français (la Guyane) est en effet soumise à un régime dérogatoire du
droit commun en matière de législation des étrangers. En France métropolitaine,
un étranger qui fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière (APRF) est en
mesure d'en demander l'annulation au président du tribunal administratif et ce
recours est suspensif ; il s'agit là d'ailleurs d'une conséquence positive de l'exécution par la France de l'arrêt Gebremedhin. L'état du droit est toutefois différent
en Guyane : de suspension, il n'est point question. Bien que les intéressés aient la
possibilité d'introduire parallèlement un recours en référé-suspension, une telle
voie de droit n'est pas cependant systématiquement suspensive. Le gouvernement
a d'ailleurs expliqué cette différence de traitement dans le cadre de sa défense :
« Le législateur a autorisé en Guyane une dérogation à l'effet suspensif au regard
de la situation particulière de ce département en matière d'immigration clandestine. En effet, ce département d'outre-mer est essentiellement constitué de
forêt équatoriale dense ce qui rend ses frontières perméables. Le Gouvernement
estime que sur les deux cent deux mille habitants de la Guyane, quarante mille
seraient en situation irrégulière et que l'instauration d'un recours suspensif pour
chaque arrêté de reconduite à la frontière ferait courir un risque réel d'engorgement » (§ 36). Si cette défense fonctionna dans un premier temps (CEDH, 30 juin
2011, Souza Ribeiro c/ France), la demande de renvoi présentée par le requérant
lui permit in fine d'obtenir gain de cause devant la Grande chambre. Elle rappela
sa jurisprudence qui avait commencé par « coupler » l'article 13 avec l'article 3 et
l'article 2 - en imposant le caractère suspensif d'un recours contre une mesure
d'expulsion quand celle-ci expose les individus à des « dommages irréversibles »
dont on comprend qu'ils concernent leur intégrité physique voire leur vie ; elle

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