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Article 15 - Dérogation en cas d'état d'urgence

les atteintes à la sûreté de l'État (entrée en vigueur en 1957) allait lui permettre
d'instaurer des « pouvoirs d'arrestation et de détention spéciaux » ; la dérogation dura près de quatre ans et demi (22 juillet 1957-9 mars 1962) et ne manqua
pas d'être ultérieurement contestée, en donnant lieu au célèbre arrêt Lawless.
L'Irlande récidivait en 1976 pour une période d'un an afin de lutter contre une
nouvelle vague de terrorisme ; dans ce contexte, elle accroissait considérablement
les délais de garde à vue (21 octobre 1976-16 octobre 1977).
Quant à la France, le déclenchement de l'état d'urgence en 2015 a fait l'objet de
prolongements réguliers, tantôt pour assurer la sécurité d'événements majeurs
(l'Euro 2016 ou encore le Tour de France cycliste), tantôt suite à la perpétration
de nouveaux attentats, comme celui de Nice en juillet 2016 (causant la mort de
84 personnes et faisant plus de 350 blessés). En tout et pour tout, la France aura
vécu sous un régime censé être « exceptionnel » pendant près de deux ans, ce qui
ne manqua pas de déclencher moult critiques doctrinales. Le 30 octobre 2017,
une nouvelle loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme »
(dite « loi SILT », n° 2017-1510, JORF n° 0255, 31 oct. 2017) était adoptée et fut
annoncée comme permettant de « sortir » de l'état d'urgence (celui-ci arrivant à
son terme le 1er novembre 2017). Bien que le nouveau dispositif législatif insère
des éléments novateurs - au titre desquels des mesures de lutte contre la radicalisation (art. 11) et celles favorisant la politique des repentis (art. 8) - il permet
également de transposer dans le droit commun, au moyen de quelques adaptations, les mesures phares de la loi du 3 avril 1955 sur l'état d'urgence. Alors que
la faculté accordée à l'autorité administrative de restreindre les libertés était antérieurement conçue comme exceptionnelle et provisoire (concédée uniquement en
période d'état d'urgence), elle devient désormais une règle inscrite dans le Code
de la sécurité intérieure. (M. Léna, « Première évaluation de la loi SILT », AJ pénal,
2019, p. 4.). Si la Cour n'a pas été pour l'heure amenée à statuer sur ces prolongements successifs, l'Assemblée parlementaire est consciente de l'existence de
ces éléments problématiques et a instamment demandé à la France de « revoir
la loi de 1955, qui reste présente dans le corpus des textes de loi et pourrait être
à nouveau utilisée à l'avenir, à la lumière des critiques récemment formulées à
son égard et de l'existence des dispositions comparables de la loi de 2017 » (Ass.
Parl., Rés. 2209 (2018), 24 avr. 2018, État d'urgence : questions de proportionnalité
relatives à la dérogation prévue à l'article 15 de la Convention point 18.2.1). En tout
état de cause, la production doctrinale française sur l'état d'urgence a été prolifique, très critique, et ne manquera pas de continuer à scruter avec attention la
mise en œuvre de la loi SILT de 2017.

création de l'État libre d'Irlande, des groupes armés se sont constitués à plusieurs reprises
sous le nom d'« Armée républicaine irlandaise » (I.R.A), dans le but avoué de se livrer à des
activités terroristes afin de mettre un terme à la souveraineté que la Grande-Bretagne exerce
sur l'Irlande du Nord. Les activités de ces groupes ont parfois pris des proportions telles que
la législation ordinaire ne permettait plus d'en assurer une répression efficace. Le législateur
a donc, à plusieurs reprises, conféré au Gouvernement des pouvoirs spéciaux permettant à
celui-ci de faire face à la situation créée par ces activités illégales ; au nombre de ces pouvoirs
a figuré parfois le droit de détention sans jugement.

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